Une petite zone de turbulences

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Michel Blanc aux dialogues et dans le rôle principal, laissant le soin de la réalisation à quelqu’un d’autre, désireux d’éviter un remake d' »Embrassez qui vous voudrez ». Dommage, on aurait toujours préféré un plagiat de son dernier film en tant que réalisateur à ce bouillon monumental.

Miou-Miou sort de sa belle demeure, traverse son jardin pour rejoindre son mari, confortablement installé dans un petit cabanon qu’il s’est construit et qui est enfin achevé. Il lit paisiblement. Ils parlent vaguement de saumon, ce qu’ils ont mangé la veille. "Trop sec le saumon" affirme Michel Blanc. Il évoque l’idée d’aller à Bruges. "C’est pas loin Bruges, on devrait y aller". Les deux reviennent vers leur maison, remontant tranquillement le jardin en pente. La caméra sur grue s’éleve et se stabilise en un plan d’ensemble, montrant la maison, le jardin, et les deux personnages qui regagnent leur demeure. Générique. De fin. Comme scène finale, on a rarement fait plus anecdotique. Serait-ce justement pour souligner le caractère anecdotique du film? On voit mal une ironie semblable intervenir à la toute fin de cette mécanique pépère, un peu enrouée, voire vieillotte.

La fin de ce plan, et donc sa chute, ce ne sont que des lettres blanches qui apparaissent par le bas du cadre, pour nous signifier la fin d’un film. L’apparition des noms, des mots sur l’écran, est toujours un moment particulier lors d’une projection. Ceux-ci libèrent, étonnent, laissent perplexes ou indifférents, au choix. Ici, c’est ce sentiment de travail à peine commencé qui sidère. A l’image de cette scène finale, donc, dont on comprend la fonction (le retour à une vie tranquille) mais qui laisse pantois quant à son manque de consistance. On attendait juste que quelque chose commence. Même là, on attendait encore, rempli d’un espoir devenu de plus en plus mince au fil des minutes, que quelque chose arrive, se déclenche. Et c’est donc à ce moment précis que l’on se rend compte que les grimaces de Michel Blanc, c’était là où l’on voulait en venir ; que Gilles Lellouche qui balance une poubelle vide, de rage, devant la terrasse d’un café, c’était là où l’on voulait en venir ; que Miou-Miou qui pensait découvrir son mari mort dans le frigo du sous-sol mais n’y trouve que des surgelés, c’était aussi là où l’on voulait en venir.

Alors donc, retour en arrière en forme de bilan et petit florilège : "C’est la deuxième fois que je me marie mais ça veut pas dire que c’est les soldes", "Ce qui m’ennuie avec les médecins, c’est qu’ils te disent que tu vas crever et ils s’en vont jouer au golf" ou encore, lors d’une discussion entre un couple homosexuel, dont l’insistance lourdingue du soutien à la "cause" tout le long du film aurait plutôt tendance à la desservir qu’autre chose, nous rappelant ainsi la consensualité du Rose et Noir de Gérard Jugnot (décidément, les ex-bronzés ne sont pas très en forme) : "Je ne sais pas si tu pourras venir au mariage de ma soeur. Tu comprends, c’est comme au zoo, tu peux mélanger les espèces mais dans des cages différentes, sinon c’est la boucherie."

Une petite zone de turbulences mérite donc largement sa place au sein de ces comédies qui livrent tout dans leur bande-annonce, qui se contentent d’étaler leur pitch pendant une heure, et qui étirent leur exposition comme seul argument valable (oui, le personnage de Michel Blanc est hypocondriaque, oui, son fils couche avec des hommes, oui, sa fille se marie avec un beauf et oui, sa femme le trompe). Un flop label France en bonne et dûe forme.

Un petit dernier pour la route ? "– T’es triste papy ? – Oui je suis triste mon poulet. – Parce que tu vas mourir ? – Oui. – Je vais faire caca." Très petite zone, vaguement turbulente donc.

Titre original : Une petite zone de turbulences

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Durée : 108 mn


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