The dead don’t die

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Ouverture du festival de Cannes 2019, Jim Jarmusch surprend tout le monde avec un film de zombie type des années 80, à la limite entre navet et génie.

Surprise ?

The dead don’t die ressemble à priori à une banale histoire de zombies qui, dû à un problème terrestre modifiant l’axe de rotation de la Terre, décident de ne pas mourir et d’aller dévorer des entrailles humaines dans la petite ville américaine de Centerville…Parmi ces zombies, on retrouve un Iggy Pop amateur de café ou encore une vieille ivrogne accro au Chardonnay. Rien qu’avec ça, le film semble d’ores et déjà s’engager sur la voie de la parodie, du burlesque. Pourtant, ici, après en avoir décousu avec les vampires en 2013 dans Only lovers left alive, Jim Jarmusch semble prendre très à coeur de renouveler le genre du film de zombies et s’engage dans un scénario périlleux.

Pendant la première demi-heure du film, Jarmusch dresse les portraits plutôt banals des habitants de la ville et joue notamment avec les clichés en les assumant grossièrement : le vieil homme blanc raciste, l’ermite dans les bois, le jeune disquaire/libraire quelque peu timide et cinéphile accompli, la jolie jeune fille en mini-short qui arrive en ville et demande son chemin…tout en faisant un clin d’oeil au président Trump et détournant son célèbre slogan « Make America great again ». En somme, une ville américaine lambda qui va se voir ébranlée par une subite attaque de revenants. Un scénario apocalyptique classique qui a pour subtilité d’angoisser le public mais pas du tout les 3 (et seuls ?) policiers de la ville ou l’étrange thanatopractricienne qui s’emparent de leurs fusils et autres armes avec un calme déconcertant. Les dialogues sont quant à eux minimalistes, contribuant à cette situation comique, voire ridicule et accentuée par un thème musical récurrent : la chanson The dead don’t die de Sturgill Simpson.

 

 

Briser le quatrième mur

La chanson en effet n’est pas que le titre du film ni le générique de début, elle est également écoutée en boucle par nos personnages qui tous d’une façon ou d’une autre, apprécient cette chanson. De plus, Jarmusch choisit d’utiliser des couches et des couches de mise-en-abîme : L’officier de police Patterson (Adam Driver) explique au début à son supérieur Cliff (Bill Murray) qu’il a « lu le scénario en entier » et sais même que « cette histoire va mal finir ». Et les références au script, à la fin ou même à la pop culture et au cinéma coulent à flots, dans l’espoir d’imposer une dimension presque réaliste mais il faut bien avouer qu’à part décrocher quelques rires au public, cela ne fait que classer le film au rang de « bas de gamme » alors que l’action commence seulement. Et il s’avère finalement que mettre en scène des personnages conscients de leur condition n’est plus tellement original et lasse vite.

 

Sauvé par le casting ?

Il est indéniable que The dead don’t die intéressait particulièrement par son casting flamboyant. Comme chez Wes Anderson, c’est une bande de copains qui se retrouve; Bill Murray, toujours là où on ne l’attends pas ne signe certes, pas sa meilleure performance et se fait voler la vedette par Adam Driver, toujours au rendez-vous. Mention spéciale à Tilda Swinton, hypnotisante ou encore à Franck Buschemi et Iggy Pop qu’on aurait aimé voir plus à l’écran. Chloe Sevigny quand à elle tente de s’imposer timidement face à ses deux collègues.

Avec The dead don’t die, Jim Jarmusch s’embarque dans une aventure colorée et rétro qui fait émettre quelques rires mais qui s’enlise rapidement dans le style déjanté. À trop vouloir briser les codes, le cinéaste signe au final une comédie burlesque qui ne repose que sur son casting 5 étoiles.

 

Titre original : The dead don't die

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Durée : 113 mn


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