Hermétique à l’existence du surnaturel, Alan Foster, journaliste de profession, est mis au défi par le bien nommé Edgar Poe de passer une nuit dans son Château de la Providence, impitoyable pour tous les invités qui tentent d’y survivre lors de la nuit des morts. La fin des années cinquante voit le cinéma transalpin suivre les traces de La Hammer dans la célébration de l’épouvante Gothique. Les vampires (Ricardo Freda, 1957), Le masque du démon (Lamberto Bava, 1961), comme les grands s(a)eigneurs vénérés du genre. Ajoutons à ces séminaux chef-d’ œuvres, Le corps et le fouet, un Bava curieusement quelque peu laissé de côté lors des exégèses du genre. Or, la parenté est forte avec cette Danse macabre orchestrée par Antonio Margheriti. Tournée dans la même période, elle nous offre le même bouquet enivrant, celui d’un romantisme délicieusement suranné baigné dans une atmosphère fantasmagorique équivoque.
Épouvante d’atmosphère qui supplante celles des chocs visuels et sonores, dont la présence au bal des fantômes se fait bien plus douce et discrète qu’à l’accoutumée. Apogée de ce contre-pied, la longue et lente découverte des entrailles du château par l’hôte d’un soir, dans laquelle une douceur et une langueur hypnotique suscitent curieusement plus d’émerveillement que de frayeurs. Homme-caméra, plus que personnage de chair et de sang, Foster – la beauté passive de beau George Rivière sied parfaitement à la fonction – nous sert de guide dans un étrange voyage où se dissipent les frontières entre le passé et le présent, la réalité et les fantasmes. Symbole de cet atermoiement permanent entre l’illusion et la réalité, le portrait féminin exposé à plusieurs reprises, un tableau plus vivifiant et réaliste que n’importe quelle autre forme de miroir. Le noir et blanc, ou plutôt le gris foncé et le blanc grisé de la magnifique photographie de Riccardo Pallottini sculptant ces nuances.
Les réactions mesurées du journaliste, voire, parfois, ses absences de feed-back face à l’ampleur des découvertes élargissent le champ des possibles et libèrent ceux de nos fantasmes. Rêve d’amour éternel ; le preux journaliste prêt à braver tous les dangers pour libérer la prisonnière des ténèbres, Elisabeth Blackwood (Barbara Steele). Phantasme saphique entre cette dernière et la dominatrice Julia. Virilité exacerbée en la personne de l’amant à la musculature saillante qui s’exhibe comme un gladiateur de péplum lors de plusieurs explosions de violence. Pour le simple plaisir voyeuriste, le bref mais incandescente et inoubliable effeuillage d’une simple invitée, incarnée par la voluptueuse et trop rare comédienne française Sylvia Sorrent. Danse macabre, entre rêve soyeux et cauchemar troublant.
Nous n’oublions évidemment pas la présence ensorcelante de l’iconique Barbra Steelle. Mais, son importance est tellement bien mise en avant dans le livre du coffret… « Barbara conduit le bal », ce livre de quasiment cent pages construit sous la forme d’un entretien entre Jean-Pierre Bouyxou et Vincent Roussel se penche avec un point de vue acéré et un ton libre sur la genèse du film, les différents protagonistes (acteurs et réalisateur), le contexte cinématographique avec un focus sur le gothique italien. La richesse iconographique ajoute du plaisir à la lecture. La beauté des illustrations fascine encore davantage dans le jeu des six photographies qui accompagne le livre et les trois disques – film HD, Film 2 K, et disque pour les bonus. Artus Films, dont on avait déjà loué le soin apporté à chacune de ses éditions, se surpasse ici avec ce somptueux bijou rouge et noir. Un coffret de chevet à (s’) offrir absolument pour cette fin d’année.
Danse Macabre – 4K. Coffret disponible dès à présent chez Artus Films.