Vacances à Venise (Summertime, 1955)

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Ressortie en salle d’un film brûlant au rythme d’une passion vénitienne.

Une romance trop parfaite. Une ville trop belle. Une fille trop triste. A Venise, une jeune quadra a vu sa vie défiler sous ses yeux.
 

« Cette ville change la nuit… »

Venise de jour, ses canaux, ses gondoles, son vaporetto, ses pompiers, ses soleils radieux, ses marchands d’antiquités au charme caricaturalement latin… Un écrin scintillant, un musée vivant, un gigantesque parc d’attractions pour une touriste avide de sensations fortes. Une Katharine Hepburn gracile et excitée comme une puce court partout la caméra au poing, flanquée d’un fumeur précoce bavard et haut comme trois pommes. Venise de nuit : ses eaux noires, ses venelles étroites, ses amours adultères, ses murs drainés de sueurs putrides… Si la schizophrénie malsaine de la ville n’a probablement jamais été plus évidente que dans Mort à Venise de Visconti (1971), David Lean n’a toutefois pas manqué d’imbiber ce mélo méconnu d’une mélancolie doucement morbide.

A Venise, Katharine Hepburn est venue chercher bien plus que de jolis clichés… Euphorique exaltée, la minute suivante au bord des larmes, notre héroïne sincère, maladroite, un peu gamine et désespérément solitaire, camouffle difficilement son mal-être dans une ville où tous sauf elle avancent masqués. Que manque-t-il à notre pimpante américaine ? L’amour ? Côté cœur, Jane rencontre bien vite le Tarzan local en la personne de Renato de Rossi (Rossano Brazzi), antiquaire raffiné aux yeux de velours… Pile ou face ? – Pile : Renato est marié. Pas de chance. Et qu’attendait-elle après tout ? A quarante ans ? Un jeune premier disponible et sans tâche ? Venise n’est pas la cité des miracles…
 
 

« Nous nous sommes vus, nous nous sommes plus. C’est tellement beau ! Y a-t-il du mal à cela ? »

Toute de fougue réprimée, Jane oscille entre la rage, la déprime, et l’extase. Rien ne la satisfait, tout est toc, jusqu’à son verre à pied de Murano, vendu abusivement par son soupirant comme une pièce unique du XVIIIe siècle. De quoi fracasser une chaise. Quid de la révélation tant attendue ? Ce n’est pas tant l’amour qui manque à notre idéaliste, mais bien le temps… L’existence est beaucoup trop courte pour galoper derrière l’absolu. Il nous dépasse toujours. Renato a beau faire, le gardénia dérive irrémédiablement sur le canal, laissant peu d’espoirs à Jane de réparer les dégâts commis par les années… Venise a ébranlé les convictions les plus intimes de notre célibataire pas si endurcie. Dorénavant, elle n’aura plus rien à perdre.

Cette fuite en avant nous laisse sur le carreau au moins autant qu’elle. Le cœur serré, on fera nos adieux tout pareil au mirage… Cendrillon rentre en citrouille et perd définitivement son soulier (ici, rouge). En termes de frustration, Summertime n’a rien à envier à Brève rencontre (1946) dont la résignation passionnée donnait déjà le vertige. On ne vit intensément qu’une seule fois ? Chez les deux héroïnes, il n’est jamais question d’amertume, seulement de graver dans leurs chairs la force et la pureté éphémère d’un sentiment précaire. Là où d’autres se contenteraient de ramener une boule à neige, Jane emporte avec elle sa précieuse expérience, aussi chaotique soit-elle.

Film préféré de son auteur, véritable basculement entre ses œuvres intimistes et ses grandes fresques technicolor – Le Pont de la rivière Kwai (1957), Lawrence d’Arabie (1963), ou encore Le Docteur Jivago (1966) – Summertime (Vacances à Venise, 1955).

Titre original : Summertime

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Durée : 99 mn


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