Un amour pas comme les autres

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Le mariage n’est plus un aboutissement mais la fin de tout devant la caméra de John Schlesinger

Premier film de John Schlesinger, A Kind of Loving bien que s’inscrivant dans la vague des kitchen sink drama qui imprègne le cinéma anglais du début 60’s porte déjà tous les grands thèmes des films majeur à venir du réalisateur. Le principal qui se dégage de tous ses premiers films, c’est la recherche d’un ailleurs par les personnages, d’un sens à leur vie et pour lequel il triomphe des obstacles comme dans Loin de la foule déchaînée, ou échouent lamentablement par manque de courage où en s’égarant dans leur de quête tel Billy Liar, Darling ou Macadam Cowboy. Les films du free cinéma anglais sous leur approche réaliste réussissaient toujours à apporter une touche de d’extravagance par leur mise en image ou idée concept de départ. Billy Liar par ses apartés fantasmés extravagant du rêve du héros, Saturday Night and Sunday Morning par son extraordinaire personnage principal ou The Loneliness of The Long Distant Runner par sa narration alambiquée et son concept sportif à la mise en scène sensitive.

A Kind of Loving est totalement à contre-courant de ces films puisque s’en tenant à une pure austérité visuelle et narrative qui ne sera jamais ébranlée. Le titre lui-même (le titre français passe complètement à côté en soulignant la nature exceptionnelle de la romance, soit l’idée inverse du titre original) définit l’idée poursuivie par Schlesinger en l’inscrivant dans une forme de banalité, autant dans ce qui nous est raconté que par les personnages que l’on va suivre. Vic Brown (Alan Bates) est donc un jeune ouvrier qui va s’amouracher de Ingrid (June Ritchie) une jolie collègue avec qui il entame une relation. Les atermoiements et la séduction de nos deux amoureux offre des scènes d’une belle fraîcheur tel la maladroite tentative de discussion dans le bus et la gêne commune sous l’attirance qui s’ensuit, tout comme le premier rendez-vous ou chacun cherche ses marques. Pourtant quelques signes avant-coureurs nous alertent de l’impasse à venir, que ce soit l’immaturité de Vic subissant encore l’effet de groupe du détachement attendu par ses amis masculins, ou la fragilité d’Ingrid encore sous l’influence de sa mère. Un moment d’égarement faisant tomber Ingrid enceinte (une scène à l’érotisme fort prononcé pour la très tatillonne censure anglaise) fait basculer leur destin et les oblige à se marier comme le veut la tradition. La banalité touchante de l’amourette cède alors progressivement la place à la banalité oppressante du mariage, synonyme de prison à tous les niveaux. Il faut voir cette scène de mariage qui équivaut à un enterrement (le mariage pétaradant ouvrant le film n’étant là que pour établir le fossé avec celui à venir) où l’union se fait par devoir sans joie ni folie chez les mariés et leur famille.

Les défauts précédemment constatés  se voient hypertrophiés par cette promiscuité forcée : Ingrid n’est encore qu’une petite fille sous le joug de sa mère (chez laquelle ils vivent et qui méprise ce gendre lui ayant volé sa fille et son milieu social) et Vic désarmé cède par frustration au renoncement et à la colère. Quelques scènes montrent la forme d’étau que peut représenter un tel mariage, tel ce montage alterné où le couple se voit forcé de rester à la maison regarder un banal programme télévisé tandis que parallèlement on voit les deux siège vide d’un concert auquel il devait assister. Bien que prolongeant inutilement certains moments (le retour de Vic chez lui fortement imbibé) le film dit certaines vérités fortes sur la société anglaise du moment à travers les réponses donnée à Vic par son entourage lorsqu’il exprime sa détresse. Les femmes (sa sœur et sa mère) le rendent coupable de la situation où il a mis Ingrid et solidaires, l’incitent à assumer ses responsabilités. Les hommes (son père et ses copains) à l’inverse (notamment suite à un rebondissement qui changera la donne) l’incitent à fuir et expriment leur regret ou leur joie à propos de  la situation intenable que vit Vic, qu’ils ont connus ou cherchent eux même à fuir.

Dans tous les cas le mariage est vu comme une formalité, un passage par lequel on doit passer tôt ou tard sans pouvoir y couper, où la vie se doit de nous rattraper. Le mariage radieux qui ouvre le film apporte heureusement une certaine nuance à la noirceur à venir et Schlesinger laisse une chance à son fragile couple dans sa conclusion, où ils s’éloignent au loin accolés l’un à l’autre voguant peut être vers une possible indépendance. Une bien belle entrée en matière pour Schlesinger qui signe là une oeuvre touchante de vérité. Le roman de Stan Barstow qu’adapte le film connaîtra par la suite plusieurs transposition que ce soit au théâtre, en série télévisé ou en programme radio.

Titre original : A kind of loving

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Durée : 112 mn


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