Natalia, la trentaine, se retire dans un village de la campagne espagnole pour échapper à un quotidien stressant. Elle se heurte à la méfiance des habitants, se lie d’amitié avec un chien, et accepte une troublante proposition de son voisin.
Inspiré du best-seller éponyme de Sara Mesa, le nouveau drame très attendu d’Isabel Coixet, Un Amor (traduction libre) suit Nat (Laia Costa) alors qu’elle s’installe dans un village rural à flanc de colline dans la région espagnole de Rioja (le lieu n’est jamais mentionné dans le film). La jeune et belle femme a une étincelle de peur dans les yeux et transmet un sentiment palpable de solitude. Elle adopte un bâtard avec d’énormes cicatrices sur le visage et le nomme Surly. Elle spécule qu’il a été torturé quand il était chiot, tandis que les habitants le soupçonnent d’être un animal dangereux. Nat a également de profondes cicatrices, même si elles sont psychologiques. Elle travaillait comme interprète pour les demandeurs d’asile, et leurs histoires d’horreur (qui sont entrecoupées tout au long de ce drame captivant de 126 minutes) l’ont profondément traumatisée. La situation difficile des autres devient le principal sujet de ses cauchemars.
Nat mène une vie très réservée dans une grande maison rurale précaire, et limite au strict minimum ses interactions avec les voisins intrusifs. La petite communauté est très curieuse de savoir pourquoi une jeune femme déménage seule dans un endroit aussi isolé. Alors qu’il pleut, elle se rend compte que son plafond présente un nombre incalculable de fuites, certaines d’entre elles équivalant à une « cascade », affirme-t-elle. Son propriétaire, extrêmement désagréable et menaçant, refuse d’agir, arguant qu’elle a été clairement prévenue à l’avance. Un ermite local connu sous le nom de « l’Allemand » (dont le vrai nom est Andrea, joué par Hovik Keuchkerian) propose de réparer les fuites en échange de quelque chose d’assez particulier : il souhaite « pénétrer » Nat, même si ce n’est que pour un bref instant. Il y a un élément touchant de candeur, et même de naïveté, dans cette proposition apparemment indécente. Pourquoi une femme aussi jeune et jolie permettrait-elle à un vieil homme gros et laid une telle intrusion dans son existence ?
À la surprise d’Andreas, Nat finit par accepter le compromis, et ce qui devait être une relation sexuelle purement transactionnelle se transforme en romance. Nat semble avoir de l’affection pour les étrangers non conventionnels et marginalisés, souvent perçus comme une menace (Andreas et Surly). Peut-être que cette affection, cette empathie, s’expliquent par un sentiment de complicité (en d’autres termes : Nat se perçoit comme une étrangère). La communauté (en particulier les hommes obscènes qui avaient leurs propres plans pour Nat) regarde cette empathie avec horreur, examinant chaque geste (comme le ferait une communauté rurale très soudée à peu près n’importe où dans le monde). Nat consacre toute son attention à Andreas, à Surly, qui n’est pas si bougon (l’animal est en réalité plutôt affectueux), et à une voisine âgée appelée Roberta. Malgré les voisins curieux, et pendant une courte période seulement, Nat semble avoir atteint un état de stabilité et de tranquillité. Mais cela est sur le point de changer.
Les origines et les motivations de Nat ne sont jamais révélées, laissant le public libre d’interpréter ses actions à sa guise. C’est une femme mystérieuse et aux multiples facettes émotionnelles qui désire ardemment profiter pleinement de la vie, malgré le lourd bagage et les cicatrices qu’elle peut porter. Aucun des personnages n’est entièrement plat dans cette histoire pleine de surprises subtiles et de petits rebondissements particuliers. Film sur les relations fortuites et éphémères, et sur la façon dont l’amour et la compassion peuvent facilement se transformer en mépris, Un Amor éprouve fréquemment le spectateur, notamment via la scène finale est particulièrement cathartique, renforçant le lien de notre protagoniste avec la terre. Nat est aussi libre et féroce que les vents qui soufflent dans le paysage vertigineux de la Rioja. Seul bémol du film : la contradiction entre la passion croissante de nos deux protagonistes l’absence de scènes sexuelles. Une occasion manquée, estimons-nous, d’explorer la beauté graphique et la crudité de la connexion entre deux corps et âmes humains si différents.
Un Amor demeure un long-métrage très estimable sur la passion, la solitude, l’empathie, bénéficiant d’une superbe photographie.