The Square

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Au-delà de son cynisme apparent, The Square est, en réalité, d’une touchante naïveté : dans le « carré » du film, tout s’équilibre.

Cette année à Cannes, à part The Square, l’autre film qui parlait, implicitement aussi, de cinéma, était Happy End. Haneke y dénonçait, comme d’habitude, la myopie d’un art fait par les bourgeois, mettant en scène des bourgeois, pour les bourgeois. Ostlund, mis à tort dans la catégorie des petits « caïds » Cannois de cette année (le gang, mené tambour battant par Haneke, fort de ses deux palmes d’or consécutives, se compléterait par Lanthimos, Akin, Loznitsa ou encore Zviaguintsev), livre pourtant un film bien différent. Car si cette obsession des hautes classes sociales à l’écran se ressent elle aussi dans The Square, et que le réalisateur suédois ne manque pas, lui aussi, d’un cynisme parfois contre-productif, The Square était bel et bien l’un des rares films optimistes de cette année : le pouvoir de représentation du cinéma était utilisé, aussi surprenant que cela puisse paraître, pour encourager l’utopie à l’écran.

 


Trompe l’oeil

Dans les faits, The Square a pourtant tout du prototype nihiliste Cannois auquel nous ont habitué les sélections successives de Frémaux. Le conservateur d’un musée d’art contemporain voit ses convictions morales bouleversées quand il est victime d’un larcin : en voulant aider une personne dans les rues de Stockholm, Christian (Claes Bang) se fait voler son portable et son porte-feuille. Pour remédier à ça, il géolocalise son téléphone et, avec l’aide de l’un de ses employés, distribue une lettre de menaces à l’ensemble des habitants de l’immeuble où se trouve le pickpocket qui détient son précieux smartphone. Lettre qui aura ensuite des répercussions importantes sur la vie d’un jeune garçon de l’immeuble, accusé à tort par ses parents d’être un voleur. Parallèlement, une nouvelle installation artistique fait son entrée au musée : « The Square », un simple carré lumineux disposé sur le sol, invitant ses visiteurs à s’entraider en son sein.

Construit via une succession de scènes coupées entre elles sans toujours avoir de liens immédiats, The Square semble, à première vue, être un film profondément moralisateur, hautain et prétentieux. En vérité, Ostlund l’est sûrement dans la forme qu’il donne à son film. Il s’y joue éperdument des principes supposés de ses spectateurs, en voulant, volontairement, bousculer leurs convictions. C’était, certes, déjà le cas dans le film qui l’avait révélé au public, Snow Therapy, mais The Square pousse le vice encore plus loin : les sans-abris miséreux côtoient les BCBG friqués du centre de Stockholm, tous obsédés par leurs téléphones et leur petite apparence branchée dont le personnage interprété par Claes Bang est la caricature. Tout tendrait ainsi vers un film aussi pompeux que l’est sa mise en scène, contrôlée et maîtrisée au millimètre près (si Kubrick avait réalisé un film sur le milieu de l’art contemporain, The Square s’en rapprocherait sûrement formellement).

 


Du nihilisme à l’utopie

Pourtant, The Square est un film touchant. Né de cette installation artistique dont il porte justement le nom, The Square développe un humour noir grâce à son jeu perpétuel avec le hors-champ. Le carré du titre devient aussi celui du film lui-même : au sein du film d’Ostlund, une justice sous-jacente équilibre les forces, poussant des aristocrates véreux à fouiner à leur tour dans les poubelles du quartier, tandis qu’en dehors du film, les aberrations quotidiennes poursuivent leur chemin comme si de rien n’était. The Square passe ainsi du film prétentieux au film innocent, voire même naïf. Le film d’Ostlund n’est pas un énième constat nihiliste et désespéré de l’état du monde : c’est « un sanctuaire où règnent confiance et altruisme »« nous sommes tous égaux en droits et en devoirs ». En résumé, The Square est lui-même l’installation qu’il met en scène : une utopie rafraîchissante.

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Durée : 142 mn


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