The Island

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Deuxième film bancal et éparpillé du réalisateur d' »Eastern Plays ».

Triste et à la dérive, le personnage d’Itso l’était déjà dans Eastern Plays, premier long métrage de Kamen Kalev remarqué à la Quinzaine des Réalisateurs 2009. Deux ans plus tard, dans la même section parallèle du Festival de Cannes 2011, était montré The Island, qui peine à convaincre. Ici, on suit Daneel (Thure Lindhardt), lui aussi déboussolé par la vie et à qui Alejandro Jodorowsky, le cinéaste devenu divinologue, enjoint dans une scène d’ouverture surprenante de « faire un saut dans le vide ». Rompre ses habitudes et partir vers l’inconnu, c’est un peu le conseil idéaliste prodigué par The Island tout du long. C’est ainsi que Daneel accepte de faire un voyage surprise organisé par sa copine Sophie (Lætitia Casta) en Bulgarie, où il est né et a passé ses dix premières années dans un orphelinat. Elle ne le sait pas, croit qu’il est Allemand, il ne lui dira qu’une fois installé dans la chambre austère du monastère d’une petite île désertée du Sud du pays. Lui ne sait pas qu’elle est peut-être enceinte, découvre des tests de grossesse dans son sac. Disputes, elle part, il reste, croit avoir retrouvé sa mère biologique. Il y a un cadavre à la mer, il est le seul à le voir. On ne dévoilera pas la suite, à peu près aussi décousue, pas beaucoup plus intéressante mais qui continue de s’interroger sur les faux-semblants et l’isolement intérieur.

The Island, c’est donc l’île sur laquelle Daneel et Sophie passent leurs vacances orageuses, mais aussi celle dans laquelle l’on peut rapidement s’enfermer, si l’on n’y prend pas garde. L’idée n’est pas dénuée d’intérêt, mais ne se développe jamais totalement. Car il y a au moins trois films dans le long métrage de Kalev, qui découlent les uns des autres mais ne se répondent que rarement : l’avant-voyage, à Paris ; le séjour sur l’île ; et l’après, à Sofia. De l’après, on ne dira rien, si ce n’est qu’il témoigne bien de la quête identitaire de Daneel d’une manière aussi absconse que quasi douteuse, et renvoie le personnage de Lætitia Casta, pourtant pleinement convaincante, à un triste rôle de faire-valoir. C’est sur l’île que se déploie les meilleurs instants du film, quand Kamen Kalev arrive à distiller une inquiétante étrangeté, par le biais des rêves de Daneel notamment, et installe son personnage dans une isolation croissante qui s’apparente de plus en plus à de la folie. Mais, alors même que Kamen Kalev aimerait faire tomber les frontières entre rêve et réalité, tout est trop littéral pour qu’on y adhère tout à fait : le comportement inhabituel des habitants de l’île n’arrive pas à faire croire au danger ressenti par Daneel, par exemple, tout comme on reste étranger au choix final de Sophie, proche du ridicule.

A mille lieues du très beau Eastern Plays, The Island finit de sombrer dès qu’il se nimbe d’une certaine dose de mysticisme qui lorgne vers Tarkovski, sans jamais justifier aucune de ses intentions. La croyance de Kamen Kalev selon laquelle chaque individu serait constitué de personnalités multiples, et que quand on aime, c’est avec elles toutes qu’il faut composer, était plutôt juste. Malheureusement, ni les dialogues, ni l’observation du délitement du couple, ni la montée de l’angoisse ne sont traitées avec la hauteur qu’il leur faut. C’est du côté de l’image qu’il faut chercher les quelques qualités de The Island, et notamment des couleurs : soigneusement calibrées, ce sont finalement elles qui reflètent le mieux les trois niveaux du film, d’abord sobres pour signifier le sentiment de normalité, puis plus saturées dès que la folie pointe. Kamen Kalev vient de la pub : c’est peut-être là que résident ses meilleurs atouts.

Titre original : The Island

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Durée : 108 mn


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