Un cinéma à la papa
Ce simple film, à lui tout seul, fait toucher du doigt l’inanité du cinéma français actuel qui sait, certes, raconter des histoires même si elles sentent un peu le resucé, mais ne sait plus mettre en scène ni faire des images. C’est un cinéma à la papa, qui répète de vieilles antiennes et se fie trop aux acteurs, pour la plupart bankables, mais mal utilisés et qui semblent à la fois s’ennuyer, ne croyant visiblement pas du tout au scénario, et d’autre part qui cachetonnent sans doute pour avoir leur nombre d’heures pour leur statut d’intermittents. Pourquoi tant de haine ? Le critique est-il un affreux gilet jaune jaloux ? Il n’en est rien, il est simplement agacé d’avoir l’impression de voir sans cesse le même film et d’être fatigué de ne plus être ni surpris, ni enchanté par le cinéma qui devrait vite se remettre en question. Rien dans le dossier de presse du film sur José Alcala, et Wikipédia n’est guère plus bavard, sauf qu’on peut y lire que le réalisateur a sorti son premier court-métrage en 1987 et qu’il a surtout réalisé des documentaires, un certain nombre d’ailleurs. Pourtant, Qui m’aime me suive ! ne donne pas une impression de réalité, et ce film est à cent lieux du documentaire tant il semble fabriqué et, du coup, factice.
Un Midi d’opérette
C’est un très mauvais Pagnol et un médiocre Guédiguian, si cela est possible, d’autant qu’il semble l’avoir coproduit par sa société Agat Films & Cie. Alors de quoi s’agit-il ? De vieillesse, d’amitié, de tromperie, de coucherie, tout ça sous le beau soleil méditerranéen, lorgnant un peu vers La femme du boulanger, mais surtout Nous nous sommes tant aimés, à la sauce très fade, rien à voir avec l’aïoli. Les acteurs sont tellement mal dirigés qu’on ne les reconnaît presque pas. Pourtant, on ne peut pas dire que Catherine Frot, bien que quelquefois un peu cabotine, et Daniel Auteuil, originaire de la région, soient de mauvais acteurs, et pourtant ici ils nous entraînent dans un ennui profond. Quant à Bernard Le Coq, il a l’air de se demander ce qu’il fait là, avec sa dégaine de vieux soixante-huitard à la queue de cheval maigrelette et grise que sa maîtresse finira par couper.
Un scénario faiblard
Passé le début du film qui emprunte sans vergogne, mais sans imagination, au théâtre de boulevard avec le mari qui revient à l’improviste pendant que sa femme le trompe, on plonge dans un ennui profond et total car le réalisateur n’a même pas pensé à utiliser les gens et les us du cru, ce qui est quand même surprenant pour un documentariste. Et après, bien sûr, on trouve le temps long parce qu’on devine vraiment tout ce qui va se passer. Le tout dans une ambiance de kermesse où l’on dirait que les comédiens ont pris connaissance de leur texte juste avant d’être filmés. Bon bref, ce n’est quand même pas complètement raté : les images de Philippe Guilbert sont très belles ; les décors de François Gila Girard, quoiqu’un peu factices, sont de bonne facture et assez gais, mais le scénario de José Alcala et Agnès Caffin aurait mérité un peu plus de rigueur et d’originalité, car il ne suffit pas d’avoir une maison dans le Sud de la France pour en faire un bon film. On terminera quand même en donnant la parole à Daniel Auteuil qui, dans le dossier de presse du film, a bien sûr une tout autre opinion de ce film : « Je dirais que c’est une comédie romantique sur des gens qui ne capitulent pas. Quand on regarde Qui m’aime me suive !, je trouve qu’il fait un bien fou. Malgré les engueulades et les bagarres dont il est jalonné, c’est quand même un film qui baigne dans la tendresse. » Certes, mais ça n’en fait pas pour autant un bon film.