Fielder Cook vient de la télévision, et c’est sa propre pièce éponyme à succès, sur un scénario de Rod Serling (plus tard devenu célèbre pour avoir créé La Quatrième dimension), qu’il adapta pour le grand écran en 1956, faisant passer la durée du film de 52 à 80 minutes, par l’ajout notamment de scènes en extérieur. Ce sont pourtant les intérieurs qui passionnent dans Patterns : en dix minutes, le décor est planté, vaste couloir luxueux et aux portes multiples au 40e étage d’un building new-yorkais. La quasi-totalité du film se déroule dans ces bureaux, espaces anxiogènes où se jouent les luttes de pouvoir les plus intestines qui soient, d’abord larvées, puis bientôt exposées au grand jour. La salle de réunion s’apparente ici à une salle de torture, où les humiliations sont légion et le dialogue littéralement feint, toutes les décisions ayant été prises à l’avance. Fielder Cook filme trois scènes de réunions, les plus réussies du film, qui vont crescendo dans l’intensité et donnent son thème à Patterns : la violence des échanges entre employés d’une entreprise qui, pour continuer à être bénéficiaire, est prête à toutes les compromissions. « On ne travaille pas dans le social », martèle régulièrement Ramsey, le numéro 1 qui a hérité de la boîte à la mort de son père.

Quand on quitte les murs de la boîte, rarement, c’est pour la maison de Staples, en banlieue chic et très Wasp. Avec sa femme, parfaite jusqu’au bout des ongles et rodée aux amabilités inhérentes aux « femmes de », ils logent dans une demeure qui tient plus de l’hôtel de luxe que d’un « chez soi ». Peu habitué à un tel espace, Staples veut se servir un verre en rentrant de son premier soir de boulot, « dans la cuisine ». Son épouse le corrige : « Non, dans le salon ». Le mini-bar est déjà approvisionné, chaque pièce a une fonction : l’emploi de la maison est tout aussi méticuleusement régi que la vie dans l’entreprise. Le couple y organise des réceptions, uniquement à destination des collègues et, entre deux whiskys, c’est encore de travail que l’on parle, de rapports rédigés qu’on montre au patron dans un cadre un peu moins rigide que les horaires imposés en journée. C’est à ce moment-là que Staples découvre les noirs desseins de son chef, qui le félicite pour la rédaction d’un rapport, rédigé conjointement avec Briggs mais que Ramsey s’obstine à vouloir attribuer uniquement à son nouveau protégé.
Cette violation de propriété mettra le feu aux poudres, déclenchant une dernière partie de film d’une violence verbale plus déchaînée, jusqu’à une réunion atroce où Briggs se fera copieusement humilier devant tous ses inférieurs hiérarchiques, avant de succomber à une crise cardiaque. Plus de doute, le scénario de Rod Serling est à charge du capitalisme, fait assez inédit pour l’époque et provenant certainement de la liberté donnée par la télévision, qui n’avait pas encore acquis la légitimité qu’elle a aujourd’hui (dans une série comme The Office, créée par Ricky Gervais et Stephen Merchant, par exemple). La vision est noire et implacable, semble qualifier les abus de pouvoir de moyen de meurtre à peine détourné. Patterns frappe par son ultra-réalisme, loin d’un conte moral à la Capra ou de toute ironie. Cook filme ici la déchéance d’une carrière comme une véritable mise à mort : Briggs sombre dans l’alcool et la paranoïa, reste toute la nuit au bureau pour tenter de faire ses preuves, sacrifiant au passage sa relation avec son fils. La mise en scène rend compte de cette tension permanente en resserrant régulièrement les plans sur les personnages, les enfermant dans un cadre aussi asphyxiant que l’ambiance professionnelle dans laquelle ils évoluent. Ce n’est pas la scène finale qui viendra relâcher la pression : sommet d’ambiguïté, elle confirme l’idée qu’on peut bien tenter d’y faire barrage, l’appât du gain sera toujours la source des arrangements les plus vils.