Palmarès Ciné 2021

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Cette année 2021 aura encore été douloureusement marquée par le contexte pandémique. Pour autant, une production cinématographique diverse et remarquable, en provenance du monde entier, a illuminé les écrans français.

 

Meilleurs films sortis en salles en 2021, selon notre rédaction :

1) Annette, de Leos Carax

2) (ex aequo) Illusions perdues, de Xavier Giannoli
2) (ex aequo) Serre-moi fort, de Mathieu Amalric
2) (ex aequo) Dune, de Denis Villeneuve

5) (ex aequo) France, de Bruno Dumont
5) (ex aequo) La Fièvre de Petrov, de Kirill Serebrennikov
5) (ex aequo) Le Dernier Duel, de Ridley Scott
5) (ex aequo) Le Diable n’existe pas, de Mohammad Rasoulof

9) (ex aequo) Memoria, de Apichatpong Weerasethakul
9) (ex aequo) La Loi de Téhéran, de Saeed Roustayi
9) (ex aequo) Drive my car, de Ryūsuke Hamaguchi
9) (ex aequo) Compartiment nᵒ 6 de Juho Kuosmanen
9) (ex aequo) First Cow, de Kelly RIchardt
9) (ex aequo) A l’abordage, de Guillaume Brac
9) (ex aequo) Titane, de Julia Ducorneau

Sans avoir été autant marquée au fer rouge que l’année précédente (cf le bilan et les perspectives que nous dessinions fin 2020), 2021 s’inscrit résolument et désespérément dans sa continuité d’un point de vue cinématographique. En cause : non pas tant la moindre quantité des films visibles sur nos écrans que la fermeture provisoire des salles, la baisse relative mais avérée de fréquentation du public, et la menace toujours tangible d’une mise en danger d’un secteur entier. Sans revenir sur les transformations à moyen et long terme, dont la nature exacte et l’ampleur nécessitent davantage de recul – et dépassent le seul dilemme salles versus streaming pour toucher aux modes de conception et de fabrication des films – on peut au moins partager le constat de la très belle qualité des longs métrages qui ont essaimé sur nos écrans ces douze derniers mois. Entre passé, présent et futur, ces films affichent une formidable variété, qui interdit d’en dégager des axes directeurs forcément simplificateurs, et explique l’émiettement plus accentué que jamais des votes de nos rédacteurs à l’occasion du traditionnel bilan annuel.

Le cinéma français aura particulièrement brillé en 2021, comme l’atteste notre palmarès, regroupant l’ensemble des quinze films qui ont rassemblé au moins deux voix au sein de notre rédaction. Beaucoup d’œuvres manquent à cette liste, comme chaque année : c’est la règle du jeu, dont le couperet s’avère plus cruel que jamais en cette fin 2021. En première place de notre palmarès trône Annette, marquant le retour flamboyant et mélancolique de Leos Carax : film inclassable, confirmant Adam Driver comme un des acteurs les plus fascinants du moment, et déjouant les attentes par son absence de toute complaisance ainsi que par sa cohérence esthétique et thématique : l’artifice y est à ce point délibéré, noyé dans un romantisme à l’irréductible noirceur, qu’il finit par apparaître comme un sommet de mise à nu et d’authenticité. Après quoi Illusions Perdues représente selon nous une merveille de classicisme à la française, brassant avec fougue une multitude de références (Balzac bien sûr, mais aussi des réminiscences explicites ou indirectes de films d’Ophüls, Scorsese, Kubrick, Visconti, Welles… rien de moins !) tout en trouvant un ton juste, une identité propre, faisant rimer foisonnement avec limpidité, et élégance avec férocité. Pour finir ce rapide panorama hexagonal, n’oublions pas France de Bruno Dumont (chroniqué ici à l’occasion du dernier festival de Cannes), ni le dernier film de Mathieu Amalric, ni celui de Guillaume Brac, ni enfin et surtout la passionnante Palme d’or cannoise, de Julia Ducornau, qui n’a pas manqué de susciter de vifs débats dans notre équipe de rédaction.

Au-delà de l’Hexagone rayonnent des œuvres en provenance de pays du monde entier – parmi lesquels un invité surprise, dont le nombre et la puissance des films visibles cette année laissent confondu  : l’Iran. A croire qu’un des régimes les plus restrictifs au monde constitue également un inégalable vivier d’inspiration pour ses créateurs, comme stimulés par les contraintes étatiques et un sentiment d’urgence, de nécessité, qui dépasse la simple critique politique pour lorgner vers le conte humaniste, voire la méditation métaphysique : ainsi de Le Diable n’existe pas, réflexion ample et saisissante sur la peine de mort, et de La Loi de Téhéran, formidable polar tels que les Américains ne savent plus en faire, et dont le sens acéré de la mise en scène coupe le souffle à plusieurs reprises. Et encore ces deux films ne constituent-ils que la part émergée de l’iceberg iranien.

A propos du cinéma américain – ou pour être plus exact : états-unien – on constatera qu’il est, contrairement à d’autres années, loin d’occuper une place prépondérante dans notre palmarès. Cependant quelques films beaux et spectaculaires le parsèment, combinant machinerie hollywoodienne et vision d’auteur, avant tout Dune de Denis Villeneuve et Le Dernier Duel de Ridley Scott ; sans oublier, moins sensationnel mais non moins remarquable, First Cow de Kelly Reichardt. Le classicisme limpide et en aucun cas passéiste de ces films donne des raisons d’espérer dans la vitalité du cinéma d’Outre-Atlantique, au-delà des machineries formatées, certes parfois divertissantes, sur lesquelles semblent appelés à reposer de plus en plus l’économie du cinéma et l’avenir des salles : histoire à suivre de très près en 2022 et au-delà…

En avance de phase, et résolue plus que jamais à aller de l’avant, l’équipe de notre webzine vous adresse tous ses meilleurs vœux pour cette nouvelle année !

 

 

Les tops individuels (par ordre alphabétique) :

 

Antoine Benderitter

(sans ordre particulier)
Titane
Illusions perdues
Sound of Metal
La loi de Téhéran
La fièvre de Petrov
Dune
Annette
Le diable n’existe pas
West Side Story
Le dernier duel

En bonus : Les Amours d’Anaïs et The Father

 

Baptiste Chapeau

(sans classement)
Serre moi fort (Amalric)
The Velvet Underground (Haynes)
Memoria ( Weerasethakul)
Compartiment n6 (Kuosmanen)
Le Genou d’Ahed ( Lapid)
France (Dumont)
Bad Luck Banging or loony porn (Jude)
Onoda ( Harari)
Madres Paralelas (Almodovar)
Annette ( Carax)

 

Hugo Dervisoglou

1) Annette
2) La fièvre de Pétrov
3) Dune
4) Serre moi fort
5) Compartiment 6
6) Les Olympiades
7) Liban 82
8) A l’abordage
9) Le diable n’existe pas
10) Tre Piani

Tout espoir n’est pas perdu concernant le cinéma en 2021, lui qui, malgré la crise, a délivré des œuvres esthétiquement comme scénaristiquement, fortes et ambitieuses. Que ce soit Annette, Serre moi fort, Les Olympiades, Tre Piani et même À l’abordage, chacun de ces films prouve que l’on peut parler d’actualité sans verser dans un point de vue convenu ou manichéen, faire preuve de puissance émotive, sans tomber dans la niaiserie ou la complaisance, avoir de fortes affirmations esthétiques, de facture moderne ou classique, sans tomber dans le cryptique pompeux ou l’académisme.

De Liban 82 à La fièvre de Pétrov, de Compartiments 6 au Diable n’existe pas, de très beaux films nous provenaient cette année, de zone du monde où la liberté de création, comme d’expression, se trouvent entravées ou menacées. Ces œuvres sont pleines tantôt d’humanisme, tantôt d’une farouche volonté de justice, mais toujours témoignent d’un formidable appétit de création. Chacun de ces films luttant contre l’ordre établi, sans jamais abandonner la subtilité ; ayant compris que la plus belle des résistances fasse à l’obscène ou la dureté du monde, consiste à conserver sa capacité de réflexion et son humanité. Ils montrent sans démontrer, mettent en scène sans exhiber et font ressentir sans juger ; chacun d’eux semblant déclamer que, tant qu’il y a de la poésie, il y a de l’espoir.

En parlant d’espoir, il en est un qui nous est venu d’Amérique : Dune est un ovni dans le paysage hollywoodien actuel. Véritable film d’auteur de grand spectacle, comme savaient les produire les grands studios hollywoodiens d’antan, le film prouve que l’on peut associer exigence et esthétisme pour des films de distraction grand public.

 

Jean-Max Méjean

Cette année, marquée encore par les privations dues à la covid, nous avons dû ronger notre frein cinéphilique
même si, ô miracle, le festival de Cannes entre autres a pu avoir lieu en présentiel comme on dit maintenant
de manière horrible ! Ma boulimie n’en fut que plus grande mais, comme je déteste les prix et les classements,
voici mes dix films préférés. Ils pourraient tellement être plus nombreux que j’ai renoncé à les classer.
Pour moi c’est assez vain, mais voici les films qui m’ont marqué cette année.

Compartiment n°6
La fièvre de Petrov
Illusions perdues
Le dernier duel
Le diable n’existe pas
The french dispatch
Minari
France
Aline
La déesse des mouches à feu

 

Jean-Michel Derroussent

Je n’ai pas vu assez de films ni même de séries pour un top 10… Mais trône en pôle position malgré tout : Dune

 

Jean-Michel Pignol

1)     La loi de Téhéran (Saeed Roustayi) : Une plongée édifiante et puissante dans une société en décomposition.
2)     Drive My Car (Ryusuke Hamaguchi) : Sensible et juste.
3)     France (Bruno Dumont). Même si ce n’est pas son meilleur film, Dumont continue à regarder là ça fait mal.
4)     L’événement (Audrey Diwan) : Un drame social oppressant et sans appel.
5)     Tromperie (Arnaud Despleschin). Subtil et sensuel.
6)     True Mothers (Namoi Kawase). Après s’être égarée dans son Voyage à Yoshino, La délicatesse de la réalisatrice reprend ici toute sa force.
7)     Illusions perdues (Xavier Giannoli). L’art du romanesque de Giannoli  s’épanouit chez Balzac.
8)     Le pouvoir du chien (Jane Campion). Glacial et vénéneux western.
9)     Serre-moi fort (Mathieu Amalric) : Le deuil abordé avec une grande sensibilité.
10)   First Cow ( Kelly Reichart) : Un western anthropologique, magnifique  hymne à la nature.

 

Margault Aulagnier

1) First Cow de Kelly Reichardt
2) Serre-moi fort de Mathieu Amalric
3) Les amours d’Anaïs de Charline Bourgeois-Tacquet
4) Dernier Duel de Ridley Scott
5) Illusions perdues de Xavier Giannoli
6) Dune de Denis Villeneuve
7) Ibrahim de Samir Guesmi
8) Bergman Island de Mia Hansen-Love
9) Annette de Leos Carax
10) Drive My Car de Ryusuke Hamagucchi

 

Mathieu Victor-Pujebet

1) Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier : Balade fragmentée d’une sensibilité, d’une grâce et d’une incandescence folle. Joachim Trier atteint ici un niveau d’évidence et de pureté assez bouleversant. Immense !
2) Petite maman de Céline Sciamma : Conte d’une délicatesse et d’une finesse d’une grande beauté. L’acuité et l’expressivité de la mise en scène de Céline Sciamma rejoint la poésie et l’évocation de son écriture pour une œuvre tendre et sensible. Eclatant.
3) À l’abordage de Guillaume Brac : Film solaire à la fois drôle et tendre, l’écriture et la mise en scène de Brac atteint ici un niveau de spontanéité mais aussi de grande finesse et de précision qui fait d’À l’abordage une œuvre d’une tendre évidence, à la fois doux, beau et fort. Lumineux.
4) Oranges sanguines de Jean-Christophe Meurisse : D’abord comédie sociale hilarante puis jeu de massacre qui tend vers la comédie d’horreur, Oranges sanguines est une tempête politique d’une subversion et d’une énergie dingue sans pour autant en délaisser un plaisir du spectacle et un vrai amour de ses personnages. Terrassant.
5) Sermons de minuit de Mike Flanagan : Le cinéaste signe ici ce qu’il a fait de plus beau, terrifiant et tragique pour Netflix. Toujours aussi virtuose mais dans la droite lignée du travail de mise en retrait que l’on constatait dans The Haunting of Bly Manor, sa mise en scène est toujours plus fine et son écriture toujours plus à l’os. Diamant noir.
6) Annette de Leos Carax : Opéra rock dément à la fois toxique, incandescent et évocateur, Annette est ce film organique et vivant, donc inégal, mais terriblement sincère qui parle à la fois d’amour, de mort, d’art, d’artistes, de parenté et de culpabilité, et le fait avec la poésie et la force que l’on connait à son cinéaste. Geste total.
7) Possessor de Brandon Cronenberg : Thriller dément et violent tout en étant une méditation sur l’identité, le second film de Brandon Cronenberg fait toujours autant vivre le cinéma de son père à travers le sien tout en commentant cette sorte d’usurpation d’identité cinématographique. Cérébral, mais aussi organique.
8) Memoria d’Apichtapong Weerasethakul : Nouvelle errance méditative sur la beauté du monde par le cinéaste d’Oncle Boonmee, Memoria est un manifeste sur les échos et résonances du monde et de son passé à travers la nature. Sublime rêverie.
9) Vaurien de Peter Dourountzis : Thriller lacunaire à la fois malsain et d’une étrange beauté, Vaurien rôde autour du mal sans jamais le montrer, ainsi Peter Dourountzis crée une forme de tension assez vertigineuse. Labyrinthique.
10) Titane de Julia Ducournau : Film mutant et organique, la palme d’or de Julia Ducournau fouille les genres, cinématographiques et sexuels, les désacralise et les conjugue pour mieux trouver en quoi l’humanité ne s’exprime jamais mieux qu’une fois que les stéréotypes sont brisés. Mutant.

 

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