Le Septième sceau

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Le premier plan du film dévoile unanimement ce dont le film est question : l’existence de Dieu. La lumière divine inondant le monde de ses rayons mystiques et mystérieux. La vie est à déchiffrer, à comprendre. Quelle est-elle ? Qu’est ce que vivre ? Le Destin d’Antonius est tout tracé : il rentre des croisades […]

Le premier plan du film dévoile unanimement ce dont le film est question : l’existence de Dieu. La lumière divine inondant le monde de ses rayons mystiques et mystérieux. La vie est à déchiffrer, à comprendre. Quelle est-elle ? Qu’est ce que vivre ? Le Destin d’Antonius est tout tracé : il rentre des croisades pour s’affranchir spirituellement de son existence. Le Mort, véritable spectre noir au visage blanc intervient pour le contempler dans sa progression et l’anéantir le moment venu. Contre toute attente, le firmament est une quête du possible car Bergman unifie au début du film le macabre et le solaire.

L’incarnation de la mort est le contrepoint terrestre et implacable de Dieu, superpuissance idéale, aérienne et inatteignable. La religion apparaît comme une farce. Ses plus farouches défenseurs la porte au pinacle de la dégénérescence et du fanatisme. L’exemple du jeune enfant attaché à la croix, sacrifié après avoir eu les poignets cassés en est le plus pur exemple. La vie est un non-sens. La maladie décime dans une indifférence lugubre. Le noir et blanc désincarne et dépouille de manière minérale la Suède moyenâgeuse. Face à cela, Dieu observe, en silence. Repoussant ainsi Antonius face à lui-même et face à son Destin. Destin metaphorisé par le jeu d’échec, expression miniature du choix. Et parabole réussie de l’idée que la vie dépend des décisions d’un individu, de la façon dont nous même bougeons nos pions dans l’échiquier de la vie.

Le destin est une marque indélébile du film car le film relate une odyssée. Le film est une quête, donc une avancée (vaine ?) vers un ailleurs tant spirituel que métaphysique. La tangibilité de la démarche n’existe pas. Le Septième sceau est une utopie pessimiste sur la condition de l’homme dans le monde, face à la vie qu’il subit sans connaître et face à la mort qu’il réussit à apprivoiser pour ne pas souffrir indignement. La mort est une source de peur et de sagesse néante : elle voit, scrute tout mais ne sait rien. Un idéal d’absurde et de contre-pied contre lequel l’homme ne peut que s’avouer vaincu. La plus dure des réponses lui gifle le visage : l’ignorance. L’esthétique sobre et équilibrée du noir et blanc permet et procure un état de stagnation. La configuration même du plan, proche d’un nihilisme allégorique, grave le film dans les mémoires comme une apologie d’un monde plongé dans le chaos et la peur du néant après la mort.

Tout est à prendre comme un tout, tel quel. Dès lors, aucun point d’arrimage, nul accèsite, nul tremplin pour réfléchir. Plastiquement, le plan, tel qu’il se construit, résout le problème de la fatalité en l’incorporant dans un équilibre opaque et funéraire. L’instant vécu se contemple, se vit passivement ou se déguste. La fin brutale du film en haut de la colline après les derniers mots du forain en est l’illustration. L’action demeure toujours la matrice de déchiffrement comportementale de l’autre. Elle est le fruit des personnes qui ne s’intéressent pas et se préservent de toute malédiction divine en se questionnant dessus. L’empathie pour ce genre de personnages est nulle. Seule demeure l’humour du film, qui se joue des ses idiots comme un marionnettiste se jouerait de ces créations de fils et de bois.

L’humour du film provient de ce pied de nez inaugural : le chevalier Antonius joue aux échecs face à la mort pour tenter de se préserver de celle-ci… La Mort face au Mourant… L’initiation du voyage passe par une désacralisation de la Mort, elle-même mystérieuse et d’une banalité épurée. La mort est rendue tangible car elle est réduite à proportion humaine. Sa banalité médusante demeure sans aucun doute le tombeau d’Antonius. Il se bat contre une entité de même taille. L’égalité, l’équité du combat ne permet pas de haïr la mort mais simplement de la respecter avec son mystère inviolable. Point d’antipathie. Juste l’attente qu’elle passe à l’action.

L’humour désacralise donc et anticipe aussi. L’écuyer de Antonius, misogyne et brutal, ne cesse d’anticiper et provoquer le rire en désamorçant pourtant les dialogues de la femme du forgeron partie dans les bras d’un autre. Tout est histoire de réaction et de mimique. Il rend ridicule ce que la femme prévoie de dire. Là aussi, la stratégie du pardon qu’elle entreprend par le charme et une sensualité vulgaire développe l’idée de pré-déterminisme. A l’instar d’Antonius jouant et concoctant une vaine stratégie de la survie, ses supplications sont d’emblée obsolètes pour le spectateur mais valables pour le personnage interlocuteur. La distance entre le pouvoir de réflexion du personnage et le recul du spectateur face à ce qui est filmé définit Le Septième sceau comme une aporie. Un fléchissement du pouvoir sur le vouloir. L’homme a une limite. Lui-même. Cette œuvre très intelligente est un film qui résonne comme un rire sombre et défaitiste de désespoir.

Titre original : Det sjunde inseglet

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Durée : 93 mn


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