Le roi de l’évasion

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La Croisette se comporte souvent comme une vieille dame chochotte et la voici qui glousse devant le dernier film d´Alain Guiraudie, enfilant des titres emballés et allant même jusqu´à parler d´un << souffle d´air pur sur le cinéma français >>…

Sans doute faut-il raison garder : certes le film fait sourire, voire rire, complètement foutraque et volontiers provoc’ comme les précédents Du soleil pour les gueux, Ce vieux rêve qui bouge et Pas de repos pour les braves, qui ont su créer, sinon un style, du moins un genre. Car Guiraudie aime bien passer pour plus pédé que Pasolini et Fassbinder réunis, plus déjanté que les Monty Python et plus surréaliste que Buñuel. Mais en fait, sorte de remake foldingue de La balade sauvage de Terrence Malick (1974), Le roi de l’évasion épate le public surtout germanopratin parce qu’il nous montre une image plus que grotesque de la campagne profonde, Tarn et Aveyron mêlés, où les bouseux telluriques sont tellement pittoresques qu’on a envie de les mettre dans des situations rabelaisiennes, où la mandragore, cette « herbe aux pendus qui revigore », jouxte les fellations et autres branlettes homosexuelles dans les fourrés et les marécages.

Personnages décomplexés n’hésitant pas à se promener en slip dégueulasse, scénario improbable avec des dialogues très écrits, on pourrait dire que le réalisateur lorgne bien sûr vers la comédie après avoir tâté du western, du film politique, de l’allégorie, etc. Ici, pas de dentelle avec ce film qui a dû coûter un max à sa productrice, Sylvie Pialat, qui n’a pas hésité à louer même un hélicoptère pour les besoins du tournage. On pense bien sûr quelquefois à Hellzapoppin en beaucoup plus sage, à Alléluia les collines d’Adolfas Mekas, mais surtout à Gros Dégueulasse de Reiser, quand on voit ce pauvre Armand – remarquable et courageux Ludovic Berthillot – que le metteur en scène oblige à se promener dans un slip verdâtre qui ne l’avantage pas vraiment, tout comme les autres protagonistes qui interprètent presque tous soit des paysans arriérés et mesquins, soit de vieux homos légèrement pitoyables.

On se demande d’ailleurs si Alain Guiraudie ne serait pas un peu sadique en plaçant l’adorable Hafsia Herzi, découverte dans La graine et le mulet, dans une situation scabreuse, même si elle est la seule à ne pas perdre une once de son charme. Une bonne âme, dans je ne sais quel journal pendant le festival, certainement une journaliste catho de Télérama, s’extasie sur le fait que Guiraudie a eu la bonne idée de lui faire interpréter enfin un rôle de Française, répondant au doux nom de « Curly ». Quel exploit en effet ! Foin de La fiancée du Pirate de Nelly Kaplan (1969), voici juste la balade sauvage de deux campagnards, hilarante certes, mais pour quel résultat ?

Titre original : Le Roi de l'Evasion

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Durée : 97 mn


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