Le Moine

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Pour son quatrième film, Dominik Moll (« Harry, un ami qui vous veut du bien ») adapte l´oeuvre emblématique du roman gothique. Un film poussif et laborieux, malgré un beau casting et de bonnes intentions.

 Il y a un côté très sympathique dans Le Moine. Peut-être son audace, son casting inattendu… Ou est-ce que le dernier film de Dominik Moll rappelle quelque peu cette période du début des années 2000 où le cinéma français pensait pouvoir – à l’instar de l’espagnol – produire des films de genre, et surtout du cinéma fantastique. Malgré une belle tentative (Le Pacte des Loups) et de nombreux ratés (Brocéliande, Vidocq, etc.), la France n’a pas trouvé son Guillermo del Toro, préférant finalement s’en remettre à la bonne vieille comédie de mœurs.

Avec Le Moine, on est en droit de s’attendre à une belle affiche, d’une part parce que Moll connaît son affaire en matière de films de genre et d’atmosphères baroques (faire un film passionnant sur des lemmings, faut le faire), et d’autre part parce que le sujet en a déjà inspiré d’autres avant lui, Cronenberg par exemple. Ce film est l’adaptation d’un classique de la littérature anglo-saxonne du XVIIème siècle, œuvre de jeunesse de Matthew Gregory Lewis, emblématique du courant gothique. Pas vraiment une grande œuvre – mais les grands livres font-ils les grands films ? –, à peine un pamphlet anti-clérical un peu automatique et désuet qui vaut surtout par son onirisme, ses ambiances clair-obscur et une intrigue rocambolesque. Abandonné peu après sa naissance aux portes d’un monastère, Ambrosio a été élevé par les frères, avant de devenir un prédicateur hors pair, suscitant l’admiration de tous et attirant les foules à chacun de ses prêches. Réputé pour sa rigueur et sa vertu, il se croit à l’abri de toute tentation. Jusqu’au jour où il croise le chemin de Valerio, jeune novice mystérieux au visage défiguré qui vit caché sous un masque de cire.

Autant le dire franchement, Le Moine ne prend pas. Pis encore, le film n’arrive jamais à susciter l’intérêt ni même à créer de l’empathie pour des personnages beaucoup trop rigides. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir de bonnes idées, comme ce personnage de Valerio coincé derrière un masque rappellant les gialli italiens ou encore le choix d’un acteur physique comme Vincent Cassel dans un rôle de moine étonnant de rigidité et d’immobilisme. Le problème se situe ailleurs, peut-être dans la timidité nouvelle de la mise en scène de Moll, qui nous avait habitués à mieux. Autrefois sobre mais toujours audacieuse et pleine de surprises, elle paraît aujourd’hui attendue, maîtrisée mais prévisible. La caméra est là où elle doit être – ce qui est paradoxalement nocif pour un tel film – provoquant ainsi l’ennui voir l’agacement. Le moindre détail exaspère, comme ces transitions sous forme de fermeture à l’iris, beaucoup trop nombreuses et qui donnent à cette sombre histoire un aspect purement cartoonesque.
 
Le mieux étant l’ennemi du bien, Le Moine ne semble avancer vers aucune piste précise. Ni dans le pur feuilletonesque (qui en serait le côté purement jouissif), ni dans la réflexion philosophico-théologique, histoire d’anoblir la matière de départ. En gros, on est loin de Mario Bava mais encore plus loin de Robert Bresson, Pialat et même de Jean-Jacques Annaud et son Nom de la Rose. A peine un embryon de problématique autour de la tentation : peut-on y succomber sans jamais l’avoir connue ? Même l’intrigue, pourtant bien ficelée, ressemble dans ce fatras à un scénario de telenovela trash avec ses révélations d’inceste, de viols et tutti quanti.
 
Ce n’est pas être trop dur que d’écrire que Le Moine est un film bancal, qui n’ose pas s’aventurer dans les codes du genre, se refusant toute réflexion humaniste (théologique, ça ferait déjà beaucoup en 1h45), sans doute pour ne pas ennuyer le spectateur. En somme, un bel effort qui aurait mérité plus de travail. Dommage…

Titre original : Le Moine

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Durée : 101 mn


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