Le Baiser du tueur et L’ultime razzia : deux Kubrick chez BQHL ( BLU-Ray/DVD)

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Kubrick investit le film noir; deux « néo-modèles » du genre.

Destins à rebours

Sorties successivement en l’espace de quelques mois sur les écrans, Le baiser du tueur (1955) et L’ultime razzia (1956)  reposent sur l’ un des canevas de prédilection du Film Noir : « La Chronique d’un fiasco inéluctable ». Dans Le baiser du tueur, gare centrale de New-York, la voix intérieure de Davy Gordon (Frank Silvera) entonne le récit des événements qui l’ont conduit à fuir seul la ville. La première séquence étant clairement destinée à devenir la fin de la boucle. Tandis que dans l’Ultime razzia, c’est la voix-off clinique d’un commentateur omniscient qui ne laisse planer aucun doute sur l’issue du coup-monté par la coterie de circonstances. La course effrénée de Johnny Clay (Sterling Hayden), l’instigateur du hold-up, ne fait que le rapprocher de son point de départ, la prison. Ainsi lancés, les deux récits vont alors progressivement dévoiler les pièces -pièges- inattendues d’un puzzle dont l’image-l’issue- finale semble préalablement imprimée. Plus les anti-héros contournent les chausse-trappes qui s’amoncèlent, plus l’éminence de la chute se fait forte. Chaque péripétie contribue autant au spectaculaire du genre qu’à la révélation de la noirceur et des faiblesses de l’âme humaine, les femmes n’étant, pour l’occasion, pas mieux loties que les archétypes du sexe fort. Dans la lignée des grands romans de Dashiel Hammett ou Raymond Chandler, Le baiser du tueur se nourrit d’une bonne dose de lyrisme pour ménager notre empathie. Marqué par la plume beaucoup plus acide de Jim Thomson (un autre géant du genre littéraire), le scénario de L’ultime razzia ne laisse aucune chance à tous ces parias qui ont le démon dans la peau.

Mécaniques de précision

Dans Le baiser du tueur, Davy Gordon et Gloria Price (Jamie Smith) qui viennent à peine de tomber amoureux doivent liquider leurs affaires (récupérer leurs derniers salaires) dans un temps record avant de tourner définitivement le dos à une ville synonyme d’échec. Dans L’ultime razzia, la fenêtre de tir est aussi restreinte pour organiser le braquage de l’hippodrome. Dans le premier film, le tempo bat au rythme langoureux du jazz, omniprésent. Tandis que dans L’ultime razzia les riffs se font  plus secs, agrémentés par les tic-tac réguliers d’un réveil. Dès que les anti-héros ne sont plus les maitres de l’horloge, c’est la fin qui s’annonce. Les quelques petites minutes de retard de Johnny vont tout faire capoter. Les mécaniques de Kubrick reposent quant à elle sur la même exigence de précision, sans cependant jamais faillir dans leurs constructions. Dans un temps diégétique des plus ramassés,  une heure cinq pour Le baiser du tueur, un quart de plus pour L’ultime razzia –Quelle leçon pour les nombreux films actuels qui dépassent allègrement les deux heures-, c’est en quatrième vitesse que tout s’enchaîne dans une grande limpidité sans pour forcement se reposer sur un montage nerveux. L’économie de dialogues -inhérente au genre- nous dirige vers les seules informations essentielles à la compréhension des enjeux. Quant à la dimension psychologique du récit, elle repose sur une typologie bien marquée des personnages  et surtout sur une totale maîtrise du cadre. En plus du format 4/3, l’horizon de Davy et Gloria est obstrué par des  surcadrages, souvent crées par des objets-obstacles, à l’instar de la fenêtre sur cour lors de la scène de l’agression de la jeune femme par son patron. De nombreux effets de plongée et de contre-plongée viennent également rappeler la vulnérabilité des amants. Le baiser du tueur apparaît comme un terrain d’expérimentation pour un Stanley Kubrick qui n’est encore qu’un débutant. Comme les artisans de la nouvelle vague française, le réalisateur ne craint pas d’être audacieux, quitte à livrer une partition quelque peu dissonante par moments. Mais,  si certaines scories sont encore plus perceptibles avec le temps -jeu d’acteur notamment-, ce « Work in Progress » subjuguera autant -si ce n’est plus-  que ce petit bijou de perfection que peut être L’ultime razzia.

Disponibles en DVD/ BLU RAY chez BQHL

 

 

 

 

 

 

 

Titre original : Killer's Kiss, The Killing

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