L’histoire est vraie : Jimmy Gralton, à peu près inconnu, est le seul Irlandais à avoir jamais été expulsé de son pays. A son retour, il aspire à la quiétude et hésite ainsi à rouvrir la salle, avant que son sentiment socialiste ne reprenne le dessus. Il est assez émouvant, au terme d’une filmographie riche et travaillée par l’individu, de voir que Ken Loach reste un cinéaste aussi politique, toujours désespéré par la manière dont l’histoire se répète. C’est aussi et paradoxalement le problème du film qui, d’un académisme triomphant, donne vite la triste impression d’une oeuvre vieillissante. Jimmy’s Hall, noyé dans une mélancolie humaniste, est à l’opposé du caractère épique du Vent se lève : une chronique villageoise paresseuse où la force du propos est sans cesse appauvrie par la platitude de l’ensemble, et la vision trop binaire des rapports de force entre bons villageois qui veulent s’instruire et s’amuser et mauvais ecclésiastiques et classe politique réactionnaires. Les dialogues sirupeux n’aident pas beaucoup : aux reproches d’un prêtre, Jimmy rétorque “Ce qui est un sacrilège, mon père, c’est d’avoir plus de haine que d’amour dans son coeur”.
Il y a pourtant un précieux savoir-faire dans Jimmy’s Hall : tourné en 35mm sur pellicule, une délicieuse rareté désormais, Ken Loach démontre un sens de la mise en scène infaillible, et la photo, tout occupée à cadrer des paysages de tourbes et vallées verdoyantes, est superbe. Le réalisateur réussit par ailleurs de nombreuses scènes (le jeu de cache-cache assez drôle entre Jimmy, sa mère et et les flics venus l’arrêter ; des retrouvailles avec un amour de jeunesse), et son film est évidemment loin d’être nul. Mais quitte à filmer les luttes sociales et politiques, on se prend à rêver qu’il ait, par exemple, eu l’idée de s’attaquer aux violences qui continuent de secouer régulièrement l’Irlande du Nord, gardant très actuel le conflit entre catholiques et protestants, pourtant officiellement enterré entre 1997 et 2007 selon les points de vue.