Homme au bain

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Commande du théâtre de Gennevilliers réalisée en quelques jours, le nouveau film de Christophe Honoré ne propose rien sans toutefois déranger. C’est déjà ça.

Fruit d’une commande (une proposition de court métrage du théâtre de Gennevilliers), Homme au bain se distingue d’abord par son caractère un peu accidentel, sa réalisation comme « à l’arrache ». Aurait d’ailleurs pu séduire ce principe d’improvisation, de sympathique coq à l’âne, si ne dérangeait tout au long du visionnage la prémonition d’une acclamation prochaine. Nulle réelle volonté ici de s’opposer ouvertement à quelque confrère au prétexte que pour certains, tout nouveau film de Christophe Honoré est automatiquement, sinon un chef-d’œuvre, tout au moins un « événement », mais quand même. Du film tel quel, d’Homme au bain, il n’y a en soi rien à dire, sinon que son potentiel d’attrait reposant essentiellement sur le nom de son signataire et l’exotisme de sa tête d’affiche, passée l’évaluation de leurs performances respectives, l’affaire est bel et bien entendue.

Côté tête d’affiche, François Sagat, star du porno gay, beau nounours tous muscles dehors dont la prestation serait à évaluer à la seule mesure d’une logique décontraction quant à la nudité. Ainsi nous est-il présenté sous toutes les coutures, dialoguant ici sans vêtement avec un vieux voisin joué par Dennis Cooper, comparant là son joli cul ferme avec celui plus pâle et mou d’une fille un peu curieuse (jouée par Kate Moran), ailleurs rasant les fesses de son jeune amant d’un jour ou deux avant passage à l’acte, un peu plus tôt dansant en tenue de ménagère dans l’appartement de son ex… En gros, Sagat, c’est du corps, et pas n’importe lequel. Un corps d’autant plus cinégénique qu’appelant à regard par son impressionnante musculature, mais aussi sa souplesse, sa rondeur, sa dimension hyper sexuelle. Emmanuel, le « personnage » qu’il incarne, sera pour Honoré rien moins qu’une figure ouvertement fantasmatique, une poupée au moins équivalente au désopilant Ken de Toy Story 3. Un sex toy, donc ? Si vous voulez.

Côté signataire, Honoré, sur qui beaucoup de choses ont déjà été dîtes, ici et ailleurs. Nouvelle valeur sûre du cinéma français dont la trilogie de la jeunesse parisienne (Dans Paris, Les Chansons d’amour, La Belle Personne) donna occasion de faire le point, de critiques en débats, sur un certain héritage de la Nouvelle Vague, une actualité de la figure de l’auteur, nombre de serpents de mer taraudant la critique hexagonale d’aujourd’hui ; artiste multipiste, exemplaire d’un idéal passage de l’écrit à l’écran, du livre au film, de l’imprimerie à l’étalonnage. Nulle antipathie à son égard, bien au contraire. La réussite décroissante de ses quatre derniers opus, après une calamiteuse adaptation de Georges Bataille (Ma mère, 2004), aura même été symptomatique, dans la décennie passée, d’une possible alliance entre grandes aspirations auteuristes, volonté de stylisation pop toute post-moderne (surtout dans Les Chansons d’amour, joli succès en salles) et actualisation des éternelles amours adolescentes par le biais d’une muse d’élection assez typique de l’époque (notre « bobo » préféré : Louis Garrel).

Avec cet Homme au bain, Christophe Honoré semble n’aspirer à rien d’autre qu’une simple vacance, profitant du prétexte de la commande et de ses moyens minimaux pour bricoler en une petite semaine une lointaine histoire de mal d’amour sous forme de sexualité compulsive en chambre claire (côté Emmanuel, donc côté Gennevilliers, donc côté fiction) comme en chambre obscure (côté Omar, l’amoureux moustachu d’Emmanuel qui vient de le larguer, donc côté New York, donc côté « docu »). Tout ici serait à prendre dans sa pure littéralité, sa frontalité : des garçons nus, souvent en érection ; Chiara Mastroïanni… participant au projet à la faveur du voyage effectué à New York pour la présentation de Non ma fille, tu n’iras pas danser, semblant tenir une place dans cette histoire que chacun sera libre de définir… ou pas. Une hypothèse un peu bête, voire simpliste mais légitime étant que sa présence contribue surtout à labelliser le film comme « d’Honoré », c’est-à-dire comme en liaison implicite, malgré le caractère foutraque lui tenant lieu de forme et de fond, avec le reste de l’œuvre.

Au-delà de l’identification de ses composantes, Homme au bain n’inspire donc a priori aucun commentaire. Raison pour laquelle nous y reviendrons la semaine prochaine, dans le cadre de notre Laboratoire, par l’intermédiaire d’une approche bien plus amoureuse, invitant à creuser un peu plus cette surface, cette inoffensive platitude constitutive du nouveau film événement de Christophe Honoré.

Titre original : Homme au bain

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Durée : 72 mn


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