Démons

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Le masque du démon

Quand un homme qui ressemble au fantôme de l’opéra vous poursuit dans une station de métro déserte pour vous inviter à l’avant-première d’un film, il vaut peut-être mieux réfléchir à deux fois avant de s’y rendre. Cheryl, elle, opte pour le choix « se jeter dans la gueule du loup » option « amener une amie ». En même temps, que pourrait-il se passer dans une salle de cinéma ? Chez Lamberto Bava, malheureusement pour elles, pas mal de choses.

 

 

« Le sommeil de la raison engendre des monstres »

Car l’avant-première en question est un film d’horreur. Une bande de jeunes motards s’aventure sur la tombe de Nostradamus où ils découvrent une prophétie augurant une malédiction dont l’origine serait le masque de démon qu’ils ne tardent pas à déterrer. Étranges coïncidences, non seulement ce masque ressemble trait pour trait à celui qui se trouve dans le foyer du cinéma qui projette le film, mais une spectatrice partage une coupure sur la joue causée par ce masque avec un personnage du film. Bientôt, l’une et l’autre se transforment en démons : la malédiction est en marche, engendrée par une simple projection cinématographique.

Claudio Simonetti des Goblin au clavier, jeune fille bien sous tous rapports et bâtiment lugubre surgi d’une autre époque au beau milieu d’une Allemagne contemporaine, tout cela évoque fortement le début de Suspiria – ce qui n’a rien d’étonnant puisque Lamberto Bava fut l’assistant de Dario Argento sur Ténèbres et Inferno (après avoir occupé cette fonction sur certains films de son père, Mario). La comparaison s’arrête là. Même si Démons n’a pas à rougir de ses incursions chromatiques dans le giallo, ses sources d’inspiration sont à plus à aller chercher vers le cinéma américain, que ce soit le Zombie de Romero – pour le huis-clos horrifique – ou le Evil Dead de Raimi – pour les créatures proches des Deadites.

 

 

Quasi nanar jubilatoire

Si le scénario n’a ni queue ni tête et abandonne assez vite la mise en abyme du film dans le film – on regrette son aspect inabouti surtout au moment de l’exploration des coulisses du cinéma qui finit littéralement en impasse – et les personnages pour le moins sommaires, Bava s’en donne à cœur joie dans le côté gore et l’aspect répugnant de ses zombies. Sergio Stivaletti, collaborateur d’Argento sur Phenomena, nous offre des transformations en plan séquence qui sans atteindre celle d’un certain loup-garou londonien, sont suffisamment convaincantes pour bien nous dégoûter. Dents qui tombent, ongles qui poussent, dos qui se déchire, le changement en démon n’a pas l’air de tout repos et l’on comprend mieux la panique des personnages devant les coups de griffes de ces créatures. Créatures qui vomissent de la purée de pois verte, sécrètent des liquides en tous genres, scalpent, étranglent, énucléent, et mordent de bon cœur tout ce qui leur passe sous le nez en poussant des hurlements stridents. Bava n’a pas peur de l’outrance, il n’est qu’à voir le massacre de démons perpétré par le héros brandissant un katana juché sur une moto sur fond de Accept.

Le choix d’un centre commercial dans le Zombie de Romero était porteur d’un sous-texte politique, le choix d’un cinéma chez Bava est purement esthétique. Lieu de peur, et de désir (les films d’horreur sont propices aux rapprochements), la salle de cinéma qui permet aussi des jeux de lumières est ici littéralement vectrice de diffusion : un plan sur les zombies les montre avec des trous lumineux à la place des yeux comme si la contamination les avait changés en projecteurs, en salles de projection ambiantes prêtes à infecter tout le monde. Et si Démons n’est pas un chef-d’œuvre, il reste un divertissement réjouissant.

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Durée : 90 mn


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