Suspiria

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Retour sur le Suspiria de Dario Argento trente ans après sa sortie.

Trente ans. Trente ans aujourd´hui que Dario Argento réalisa le premier volet de sa fameuse trilogie des Trois Mères, avec Inferno en 1980, et Terza Madre qui devrait sortir sous peu. Accédant à la reconnaissance à travers ses giallos, films à la mise en scène baroque mêlant mystères et meurtres, c´est à partir de Suspiria qu´Argento secoua le monde cinématographique en développant la thématique du surnaturel lui permettant de mettre en images toutes ses obsessions.

Les spectateurs vont alors découvrir un auteur radical, n´hésitant jamais à mettre en scène des meurtres brutaux, pervers, l´arme blanche est la préférée d´Argento, agrémentées de musiques enfantines, de traumas adolescents, le tout sous l´oeil d´une caméra frénétique et virevoltante. Tant de singularités qui assiéront Argento comme l´un des réalisateurs d´horreur les plus inventifs avec Carpenter. L´actualité lui étant favorable, Terza Madre (maintenant en post-prod) est attendu depuis plus de vingt cinq ans, l´occasion de voir ou revoir Suspiria sur grand écran est un plaisir cinéphilique dont on ne peut se passer.

 

Fasciné par l´histoire des Trois Mères, Mater suspirarum, Mater tenebrarum, Mater lachrimarum, trois anciennes sorcières officiant respectivement à Fribourg, New York et Rome, Dario Argento trouve ici matière pour plonger dans l´occultisme avec moult références picturales et ésotériques, jonglant avec un sens de la terreur imagée et des éclairages dantesques jusqu´alors jamais vu. Quiconque ayant découvert l´un des films du maître italien ne peut qu´être impressionné par ses aveuglantes lumières rouges, ses scissions de l´image matière entre un bleu et un vert criard renforçant l´aspect irréel de l´histoire et son utilisation de la musique quasi subliminale.

Argento parvient à symboliser et partager ses obsessions par l´utilisation récurrente de gammes chromatiques violentes. Le début de Suspiria est à cet égard éloquent : la couleur rouge agresse le spectateur à travers un néon, les jupes des femmes ou les phares d´une voiture. En une séquence, le réalisateur emprisonne le spectateur dans sa toile de sang, plongée sans appel dans un monde où chaque porte devra rester close. Chaque couloir est l´artère d´un Mal rayonnant de noirceur car Argento jubile à l´idée de sacrifier ses victimes, jeunes pour la plupart, sur l´autel de pulsions déviantes et sataniques.

 

Sa capacité à produire un effet de malaise et de vertige vient essentiellement de ses cadrages expérimentaux, à travers l´oeil d´une chauve souris ou d´un verre de vin, rouge bien sûr, de ses travellings avants furieux, mais aussi des incroyables décors surréalistes et baroques envahissant l´espace filmique jusqu´à leur conférer une identité propre. En cela Argento se rapproche des expressionnistes allemands ou des peintures murales vivantes de La maison du diable de Robert Wise.

Enfin, le réalisateur excelle à développer cette thématique d´un Mal tapi derrière les murs et les murmures. N´hésitant pas à jouer d´un thème musical obsédant, la musicalité des comptines est probablement l´une des idées de génie du maître pour créer l´ambiguïté quant à son rapport avec ses actrices, il met en place ses meurtres comme des ballets, les notes de musique ponctuant chaque coup de couteau, ce dernier lui-même dansant entre les mains du tueur. Effet renforcé par le rock diabolique des Gobelins sortit tout droit de La Malédiction. Le corps meurtri de la victime n´est qu´une catharsis d´un autre corps malade, celui de la Mère des Soupirs, vieille de 200 ans. Le Mal comme soif de pouvoir et d´éternelle jeunesse semble être le message de Dario Argento.
Véritable claque visuelle, sommet du film chthonien, il faut voir aussi Inferno, Suspiria est la clé de voûte d´un auteur dément et génial qui aura su braver les critiques pour nous offrir une oeuvre sans commune mesure dans le monde de l´épouvante.

Titre original : Suspiria

Réalisateur :

Acteurs : , , , , , , , , , ,

Année :

Genre :

Pays :

Durée : 95 mn


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