Coffret Fernandel chez Pathé.

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L’ héroïque monsieur Boniface, Boniface somnambule, L’armoire volante : trois superbes restauration pour le plus grand plaisir de retrouver Fernandel.

Alors que pendant des décennies, les plus grand réussites de Fernandel  faisaient le bonheur de toutes les générations sur le petit écran, depuis environ  une vingtaine d’années ses apparitions se font de plus en plus rares. Aurait-on oublié l’importance de cette immense vedette du  cinéma français ? Quarante de carrière, 124 films, réussissant a attirer plus de  deux cents millions de spectateurs dans les salles. Pathé films qui n’a de cesse d’œuvrer pour la restauration du patrimoine cinématographique nous offre grâce à ce coffret un aperçu ô combien  réjouissant  du talent ce véritable monument du septième art que peut être Fernand Contandin, dit Fernandel.

 

L’ héroïque monsieur Boniface/ Boniface Somnambule ( Maurice Labro, 1949,1951)

Célibataire de longue date  aux doux rêves de romance intacts, simple étalagiste un tantinet prétentieux sur ses aptitudes, ce cher  monsieur Boniface s’inscrit dans la lignée des Schpountz, Simplet, Cabassou ou autres Emile, surnoms ou prénoms dont la présence dans le titre associée au portrait souriant de l’acteur  annonçaient les réjouissances. Faisant partie de la classe moyenne française qui commence à profiter des trente glorieuses, l’homme se pare  d’une élégance qui le rend plus  sûr de lui, du moins au premier abord. Ainsi, quand il découvre un mort dans sa chambre d’hôtel, poussé par l’espoir que son héroïsme séduira sa douce convoitée, il est prêt à dénoncer puis à affronter le dangereux gang des tractions.

Il va de soi que dans ce diptyque  Boniface, le scénario se mue essentiellement en un confortable véhicule pour Fernandel. Multipliant les circonstances pour mettre en exergue la palette de ses talents comiques. Son phrasé inimitable, un bégaiement qu’il tente de masquer par des ponctuations fermes, la plasticité d’un visage qu’il lui permet de passer en un clin d’œil du fou rire  à la peur, comment oublier les supplices de la chèvre dans François premier (Christian Jacques, 1939). Bonnard ce Boniface, mais non dénué de vice, ou du moins de ruse, surtout dans Boniface Somnambule – le plus réussi des deux films grâce à un récit plus posé. On n’oublie pas également de lui permettre de pousser la chansonnette – référence au music-hall, une autre de ses maisons.

Ne nous manquerons pas  de respect à Maurice Labro, en arguant que ce ne sont pas les qualités de sa mise en scène qui transcendent ces sympathiques farces. Les clés du camion sont en de bonnes mains. Fernandel, présent dans quasiment toutes les scènes, en  acteur/metteur en scène sait ménager les effets, imprimer des variations de  rythme pour ne jamais lasser le spectateur.   Ajoutons la présence d’Andrex, autre marseillais, ami de la star, à la tête d’un trio de gangsters d’opérette et la brève apparition de Louis de Funès pour profiter d’une bonne dose de légèreté.

L’armoire volante(Carlo Rim, 1946)

Madame Lobligeois, part, malgré le mauvais temps,  à Clermont-Ferrand pour terminer son déménagement. Elle décède sur la route du retour, les deux déménageurs la place dans une armoire qui disparait après le vol du camion. Son neveu, Alfred Puc (Fernandel), doit absolument retrouver le corps pour valider le décès et la succession. Le film de Carlo Rim est d’un tout autre calibre que les précédents. Pépite d’humour noir, à la photographie soignée, aux reflets parfois expressionnistes. De très jolis plans en contre-plongée chez le notaire imprègnent une dimension kafkaïenne à  ce cauchemar qui, s’il ne recherche pas l’effroi, trouble par son étrangeté. Fernandel, froid et imposant le plus souvent fait preuve d’une finesse et d’une élégance toute britannique dans sa composition. Un personnage aux motivations douteuses. Pas présent dans toutes les scènes, il ne porte pas sur ses seules épaules la réussite de ce voyage dans l’absurdie. Une atmosphère de délation – la période trouble de la guerre n’est pas terminée, la tante au rire sardonique (Berthe Bovy), la présence de Pauline Carton, des répliques bien cinglantes  : « un ministre qui tiendrait ses promesses, cela serait un parjure  » en font une très belle réussite.

Coffret Fernandel chez Pathé, sortie le 11 décembre.

 

 

 

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