Ce qu’essaye apparemment de vendre Burlesque, c’est la croyance selon laquelle on peut parvenir à tout avec un minimum de talent et un maximum d’audace. Heureusement, Christina Aguilera a ce qu’il faut de ce point de vue là : poitrine généreuse, bagout illimité et voix puissante de music-hall. A Cher, il reste le rôle d’une star sur le retour, finie mais bien décidée à ne pas jeter l’éponge. Ajoutons-y un ressort scénaristique vieux comme le monde, à savoir la fermeture prochaine du club pour cause de faillite (évidemment sauvé in extremis par un retournement improbable, qui nous apprend au passage, c’est fascinant, la définition du droit sur l’air), et Burlesque ressemble à s’y méprendre à un Coyote Girls version 2010 muté de New York à L.A. Le reste s’expose avec une simplicité effarante : la small-town girl se hisse au sommet, agite les jambes sur scène, se fait des ennemies qui devront bien finir par reconnaître son talent, attise les pulsions macho de beaux gosses fadasses qui traînent dans le coin, trouve l’amour et la gloire, fait de sa patronne une mère de substitution, la sienne étant morte il y a longtemps. Sans oublier évidemment la grande rivale, affublée du nom de Nicky, parce que les méchantes s’appellent toujours Nicky dans les films gentils. Ni mal fait ni bien fait, juste un ensemble de scènes tristement accolées les unes aux autres, ponctuées de chansons horripilantes et d’effets visuels laids à pleurer.
Le pire, dans tout ça, c’est que Burlesque n’est même pas détestable : on dira ce qu’on voudra, mais Christina Aguilera, si elle s’érige en beauty-queen du mauvais goût, sait vraiment chanter et bouger. Pour peu de ne pas être réfractaire à la soupe MTV mêlant pêle-mêle les mots "bad girl" et "burlesque", on doit bien lui reconnaître une certaine technique. Cher est à l’avenant : star tellement déchue qu’elle en deviendrait presque attachante, elle qui s’agrippe obstinément à l’avant-scène ici et dans la vraie vie, alors qu’elle n’affole à peine plus que dans les coulisses des casinos de Vegas.
C’est dans ces moments d’extrême lucidité, par ailleurs totalement involontaires, que Burlesque frappe parfois juste. Impossible d’y voir un état des lieux de la célébrité passée, tant le film s’offre au premier degré et échappe à toute auto-dérision, mais il y a bien matière, dans quelques scènes, à rappeler que le star-system engloutit et recrache ses objets à un rythme frénétique. Ce n’est ni un film de cinéma ni un hommage au burlesque, ni même une comédie musicale : pour cela, revoir Chicago ou Cabaret, au choix. Mais c’est un objet si peu prétentieux qu’on n’a même pas envie d’être méchant. On apprend à l’instant qu’il est nommé aux Golden Globes dans la catégorie meilleur film musical. Burlesque aura donc bien un public, et c’est certainement tout ce qu’il souhaite.