Angel

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La posture crâne, le regard déterminé, Angel sait qu’elle ne sera pas une de ces femmes au dos voûté et au service de la noblesse. Ecrivain nimbé de gloire, tel est le destin auquel elle aspire. Même si son entourage ne l’imagine guère en femme de lettres, Angel, obstinée, décide d’envoyer ses manuscrits. Un jour, […]

La posture crâne, le regard déterminé, Angel sait qu’elle ne sera pas une de ces femmes au dos voûté et au service de la noblesse. Ecrivain nimbé de gloire, tel est le destin auquel elle aspire. Même si son entourage ne l’imagine guère en femme de lettres, Angel, obstinée, décide d’envoyer ses manuscrits. Un jour, un éditeur londonien la convoque pour un entretien dans la capitale. Commence alors le début d’un conte de fée.

Pour son premier film d’époque, François Ozon a choisi d’adopter le roman homonyme d’Elizabeth Taylor, roman qui s’inspire de la vie de Marie Corelli, écrivain aujourd’hui oublié mais dont le style a fait florès à l’époque victorienne. Angel se situe dans la lignée des films Technicolor des années 50. Il suit la charpente classique des longs métrages consacrés à la grandeur et à la décadence d’un personnage et se scinde en deux parties. Menée avec vitalité et fraîcheur, la première moitié du film est consacrée à l’ascension triomphante de la femme de lettres. Le sol est enneigé et immaculée jusqu’au passage de cette jeune fille vêtue d’un manteau noir et qui, d’un rythme allant, y inscrit les traces de ses pas. La métaphore liminaire suggère avec clarté le destin d’Angel. L’enfant rêveuse de Norley, petite ville perdue de l’Angleterre, deviendra écrivain. Ses songes, autrefois emmurés dans sa chambre, prennent vie de façon fulgurante. Célébrité, gloire et salves d’applaudissements viennent emplir l’existence d’Angel dont la personnalité pleine d’audace, d’insolence et de charme n’est pas sans rappeler celle de Scarlett O’Hara. Le monde médiatique s’ouvre à la jeune femme à bras grands ouverts. La belle histoire se poursuit lorsqu’elle rencontre Esmé, peintre non reconnu. Femme indépendante, Angel décide de s’installer avec son époux et sa belle-sœur dans la demeure de ses rêves : Paradise House. L’endroit connote le bonheur absolu ; seulement, par définition, l’éden n’existe point ici-bas.

L’entrée d’Angel à Paradise House correspond au summum de sa gloire, mais il marque également le début de sa déliquescence car en ouvrant les grilles du domaine, le personnage a laissé la voie libre à maintes souffrances ainsi qu’à la mortalité, à l’instar de Pandore. La maison au nom édénique n’est en fait qu’une petite bulle fragile et complètement perméable au malheur. La réussite de la jeune femme s’étiole car la guerre est survenue, avec son lot de mutilés, de blessés et de cadavres. Le premier conflit mondial a également accaparé l’esprit de son lectorat devenu moins friand des intrigues amoureuses peuplant ses romans et de son style d’écriture condamnés à être obsolètes. La gloire éclatante et la personnalité vaniteuse d’Angel, symbolisées par l’image du paon, ont fini par devenir aveuglantes. Le temps du succès et de la félicité est révolu. Paradise House semble désormais abriter tout sauf le bonheur. Les lits de ses occupants se muent en sépultures. Eden ou enfer, la demeure d’Angel s’avère un lieu nébuleux où se confondent les contraires. La frontière entre rêve et réalité n’y est jamais limpide. La vie du personnage principal n’a de cesse d’osciller entre les deux.

Angel est un film à la facture assez conventionnelle, il se présente comme un diptyque un peu bancal mais son contenu n’en est pas pour autant dénué d’intérêt. Le long métrage pose les jalons d’une réflexion opposant l’univers onirique au réel et constitue un très bel éloge à l’imagination ainsi qu’à la mystification qui nourrissent les livres d’Angel. La fabulation est un art : elle permet de faire voyager le lectorat et l’écrivain lui-même. La jeune femme vit dans l’illusion. Depuis son enfance, Angel baigne dans un monde chimérique : elle romance en permanence son existence et farde la vérité sur ses origines et sur son entourage. L’art d’écrire et d’inventer des fictions lui est vital, comme le montre cette scène où l’on entend le souffle du personnage noircissant les pages d’un livre. La neige, présente au début et à la fin du film, suggère la stérilité d’un monde bâti sur le rêve mais le blanc, évoquant les pages vierges d’écriture, est aussi la couleur de tous les possibles. Au final, peu importent les mensonges pourvu que l’histoire soit captivante, et celle d’Angel l’est assurément.

Titre original : Angel

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Durée : 134 mn


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