Tout sonne faux dans ces Amitiés sincères, pourtant archétype du film de potes qui voudrait toucher juste, émouvoir et trouver résonance en chacun de nous. Stephan Archinard et François Prévôt-Leygonie signent ici leur premier film, adapté de leur propre pièce de théâtre avec Michel Leeb, mise en scène au Théâtre Edouard VII par Bernard Murat en 2006. Une comédie boulevardière « drôle et émouvante » qui avait rencontré un énorme succès à l’époque, et dont le dérivé cinéma pourrait bien lui aussi marcher, tout marketé qu’il est pour toucher une cible large qu’il croit propice à l’identification. Difficile de voir, pourtant, ce qui peut bien donner envie de leur ressembler, à ces trois-là, à peu près tous engoncés dans leurs certitudes et une morale bien-pensante dès qu’elle touche aux autres ; à géométrie variable dès qu’il s’agit de leur propre personne. Il n’y a qu’à voir Jacques, le libraire, ex-partisan du Solidarność de Lech Walesa (une banderole trône toujours au-dessus du comptoir et il a même passé 2 ans à Gdansk dans les années 80) qui brigue désormais la mairie du 14e arrondissement de Paris… affilié au Modem (il porte du coup une écharpe orange, laquelle surprend son pote Lanvin, mais voilà, elle lui va « bien au teint »… délicat). Car « les temps changent », « le temps passe », Amitiés sincères nous l’assène à coups réguliers, et les extrêmes de la jeunesse laissent place à une modération de bon aloi. Tant pis si on se renie, du moment qu’on a les potes et le Château Yquem.

Les deux cinéastes citent volontiers Sautet : dommage, leur film souffre du coup de la comparaison avec son Vincent, François, Paul et les autres (1974), autrement plus fin et mieux écrit (avec Jean-Loup Dabadie au scénario, ça aide). Les répliques de Amitiés sincères ne font qu’enfoncer le clou d’un long métrage sans aucune idée de mise en scène, qui cultive par ailleurs un goût de la littérature mal exploité. Exemple : Paul tire un livre de sa relation avec Clémence, son « chef-d’œuvre » aux dires de sa femme/éditrice, qui ne le blâme pas pour son adultère (elle a l’habitude, c’est une femme moderne qui vit dans un appartement sans âme d’un quartier bobo du centre de Paris) mais lui réclame juste l’épilogue, avec « du sang, des cris et des larmes ». La pauvre ne l’obtiendra pas (annihilant du même coup tout espoir de vente à la Fnac et de prime time sur Arte), puisqu’après une grosse colère de quelques mois, Walter sera au rendez-vous du mercredi, Sauternes à la main. Il ne dira rien, ira juste se mettre aux fourneaux, parce qu’on le sait, l’amitié, ça se passe de mots, et quand c’est fort, c’est pour la vie. Alors il y a les acteurs, qu’on peut tous citer : Gérard Lanvin, Jean-Hugues Anglade, Wladimir Yordanoff, qui font ce qu’ils peuvent pour faire vivre un script indigent ; Ana Girardot, qu’on devrait bientôt voir plus souvent ; et Zabou bien sûr, qui sait dire n’importe quelle ligne de dialogue. Pour le reste, il ne reste plus qu’à se réjouir pour l’île de Ré : après l’atroce Petits mouchoirs (2010) qui avait attiré les trentenaires au Cap Ferret, c’est en Charente-maritime que Amitiés sincères pourrait bien inspirer aux Parisiens d’aller s’oxygéner.