Rencontre avec Inés Efron et Victoria Galardi

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A l’occasion de la sortie ce mercredi d’Amorosa Soledad, jolie comédie romantique proposant du cinéma argentin contemporain un aspect différent – mais tout aussi prometteur – des oeuvres plus graves de Pablo Trapero ou Lucrecia Martel, rencontre avec l’actrice et la co-réalisatrice du film.

Fruit d’un heureux hasard de calendrier, la rencontre avec Victoria Galardi, scénariste et co-réalisatrice d’Amorosa Soledad et Inés Efron, son actrice principale, connue sous nos cieux pour sa troublante performance d’adolescent(e) hermaphrodite dans XXY (Lucia Puenzo, 2007), a le charme furtif d’un bref rendez-vous d’été. Solaire, la première accompagne chaque réponse ou presque d’un élan, une bonne humeur confirmant que son premier long-métrage lui ressemble bien. Le regard droit et perçant, la seconde donne l’impression d’une défiance malicieuse, d’un amusement poli à se prêter au jeu désormais bien connu des questions/réponses. S’appuyant sur ces impressions toutes subjectives, doit être imaginée l’atmosphère flottante d’un beau dimanche semi-caniculaire, où à la ligne droite d’un sujet donné (le film) se mêlent les points de suspension et axes de déroute d’une ambiance de grande vacance.

Hola Victoria, hola Inés… ¿Comó estaís ?

Inés Efron et Victoria Galardi : i Bien !

Victoria, pour commencer, parle-nous donc de l’origine du projet de « Amorosa Soledad »…

Victoria Gallardi : J’ai commencé à écrire le scénario il y a cinq ou six ans. Pendant deux ou trois ans, on a effectué des recherches de financement… qui ont été assez longues. À l’origine du projet, il y a ma propre déception amoureuse suite à un échec, une séparation. Je me suis retrouvée seule et mon idée était de raconter l’histoire de cette fille se retrouvant dans cette même situation.

Tu avais déjà prévu de co-réaliser le film ?

V.G. : Au début non, mais j’ai présenté le projet à une maison de production qui m’a dit qu’il serait intéressant de le « co-diriger », le présenter à un assistant de direction. On a alors commencé à travailler ensemble, avec Martin [Carranza, co-réalisateur du film, ndlr]. Lui voulait être réalisateur, mais n’écrivait pas de scénarii, c’était donc l’occasion pour nous-deux de faire fructifier cette collaboration.

Penses-tu qu’il a apporté une touche masculine à ton histoire personnelle ?

V.G. : Je ne sais pas… Ce qui est sûr, c’est qu’il a apporté quelque-chose à l’histoire par ses idées… mais le scénario n’a pas été modifié au moment où il est arrivé sur le projet. Je dirais plutôt qu’il a apporté quelque chose d’un point de vue créatif et technique.

Pourquoi ce prénom de « Soledad », pour le personnage principal ?

V.G. : En Argentine, pas mal de filles portent le nom de Soledad (Solitude), Dolores (Douleur). Ce sont des prénoms très durs à porter. J’ai moi-même un prénom assez dur à porter, Victoria (Victoire)… il faut arriver à s’en sortir avec ça. J’ai beaucoup d’amies qui s’appellent Soledad… D’autres prénoms comme Milagros (Miracle) sont aussi beaucoup donnés en Argentine…

Le choix d’Inés était-il une évidence pour toi, depuis le début ?

V.G. : Non. J’avais vu Inés dans une pièce de théâtre. Au moment où j’écrivais mon scénario, je ne la connaissais pas du tout. Elle a participé aux castings et dès qu’on l’a vue, on a su que c’était avec elle que l’on voulait faire le film.

 

Qu’avait-elle de si particulier, par-rapport aux autres ?

V.G. : Inés, dans ce casting, on a vu tout de suite qu’elle avait tout du personnage. Dans sa manière de parler, car elle a cette particularité qu’ont certaines personnes de rester drôles même quand elles disent des choses sérieuses. C’est une chose innée, chez elle. Elle a un humour un peu pince-sans-rire… Il y a aussi la fragilité physique que je voulais que mon personnage ait. Elle est assez maigre, assez menue… Le fait qu’elle soit juive a aussi un peu joué. Il y a quelque chose en elle de « l’humour juif » qu’elle a pu apporter au personnage.

Avais-tu vu ses précédents films, avant de passer à la réalisation ?

V.G. : Non. Quand Inés a été choisie pour jouer dans le film, elle venait de finir le tournage de XXY. Le film n’était pas encore sorti, ni même encore monté. Ensuite, le projet de Amorosa Soledad a mis très longtemps à trouver des financements et au fur et à mesure qu’arrivaient ces financements, les films d’Inés sortaient en salle. Mais au moment où elle a été choisie pour le projet, aucun n’était encore sorti.

Inés, nous te connaissons ici en France pour des rôles assez délicats, assez difficiles, notamment ceux que tu tiens dans XXY ou El niño Pez… Comment se prépare-t-on pour jouer dans une comédie romantique un peu plus légère ?

Inés Efron : En fait, ça a été un vrai avantage que le film prenne un an de retard car cela m’a permis de vraiment connaître les réalisateurs et de comprendre quel était le ton véritable du film.

Quels souvenirs gardes-tu du tournage d’un film comme XXY ?

I.E. : Le tournage a quand même duré un petit moment ! J’y ai mis beaucoup de ma personne. Quand les rôles sont difficiles, tout devient difficile et se complique. J’ai joué et à la fois souffert.

 

Victoria, il y a donc une part auto-biographique, dans Amorosa Soledad… Peut-on dire alors que Soledad, c’est un peu toi ?

V.G. : Oui et non, pour être honnête. Il y a une part auto-biographique, mais je ne suis pas nécessairement Soledad. Cet échec amoureux, je l’ai connu, ainsi que cette hypocondrie, ainsi que tout ce qui touche à l’alimentation, au tentiomètre… Ce sont des choses qui m’amusent. Maintenant, beaucoup de temps a passé depuis que j’ai écrit la première version du scénario et je me suis beaucoup éloignée de ce personnage. Je n’ai pas les parents de cette fille, je n’habite pas cet appartement et ne suis pas aussi seule qu’elle.

T’es-tu inspirée de films ou de séries américaines traitant de jeunes femmes célibataires ?

V.G. : J’ai étudié aux États-Unis, donc il y a sans doute des inspirations dont je ne suis pas consciente. Le cinéma indépendant a souvent ce ton, cet humour que j’aime énormément. Maintenant, je n’ai pas forcément choisi un « sujet féminin » mais disons que c’est le monde que je connais le mieux. Moi, tout ce qui se rapporte au masculin, je n’y comprends rien (rires). Sinon, pour les cinéastes que j’admire, il y a Paul Thomas Anderson, Woody Allen, Todd Sollondz…

Le personnage de Soledad dit au début du film vouloir renoncer à toute histoire d’amour pendant au moins trois ans. Elle n’hésite pourtant pas à engager assez vite une nouvelle relation avec Nico… Est-ce une manière de dire qu’il est impossible de se passer d’amour, malgré les plus grandes souffrances ?

V.G. : Oui, effectivement. C’est aussi une manière de dire que l’on ne sait pas forcément ce qu’on veut. On pense vouloir quelque chose, mais en fait, on attend tout autre chose. Elle ne peut pas soutenir cette théorie de rester trois ans toute seule. Le désir est une chose qui change énormément, on peut vouloir ceci aujourd’hui, et une chose totalement différente demain. Donc, décider un jour que pendant trois ans on ne tombera pas amoureux est complètement fou.

Ce qui est particulièrement beau dans ce film, c’est que ce n’est pas une comédie classique nous racontant comment deux personnes vont finir ensemble, mais plutôt la manière dont deux personnes vont se rendre compte qu’une histoire d’amour est finalement possible. On sent l’évolution progressive de leurs sentiments tout au long de l’histoire. L’histoire d’amour et déjà là, et l’on voit les sentiments naître au fur et à mesure…

V.G. : i Gracias ! (rires) Je ne voulais surtout pas faire un film traditionnel…

 

La mise en scène est très délicate, très simple…

V.G. : Martin et moi avons disposé de pas mal de temps pour la préparation du film. Il nous fallait organiser correctement le temps de tournage dont on disposait avec les moyens que l’on avait. Vu que nous disposions de très peu de temps, nous avons travaillé très en amont avec le directeur de la photographie. On a eu la chance d’avoir un appartement très rapidement, donc de faire des repérages extrêmement précis avant de commencer le tournage.

Inés, t’es tu inspirée d’expériences personnelles, pour incarner Soledad ? Notamment dans les premières scènes, où elle pleure après sa séparation d’avec le premier Nico ?

I.E. : Non, car on ne m’a jamais laissée tomber (rires). Mais oui, bien sûr.

Souhaiteriez-vous poursuivre votre collaboration pour d’autres films, d’autres projets ?

I.E. : Oui. J’aime beaucoup l’univers de Victoria et sa façon de faire des films. Elle a une vision pleine d’humour et de subtilité. Ce n’est pas courant de rencontrer des gens comme ça.

D’où est née ta passion pour le métier d’actrice, ton désir de faire ce métier ?

I.E. : En réalité, je ne sais pas vraiment d’où vient tout ça. J’ai commencé à faire du théâtre à 14 ans, parce-que j’avais envie de me faire de nouveaux amis… Et puis, de fil en aiguille, on m’a proposé des choses. J’ai l’impression que la vie m’a offert ça et j’adore mon travail. Je le trouve merveilleux.

Penses-tu éventuellement à la réalisation ?

I.E. : Oui, pourquoi pas ? Effectivement, j’aime bien écrire, j’ai quelques idées… mais pas encore concrètes pour l’instant.

Et toi, Victoria ? Jouer dans tes propres films, comme Woody Allen, ton idole ?

V.G. : Ah, non non non, surtout pas ! (rires) Être devant la caméra, comme maintenant [l’entretien est parallèlement filmé pour le site Universciné.com, ndlr], est quelque chose que je déteste. Je préfère très nettement rester derrière la caméra et écrire des scénarii pour d’autres réalisateurs ou moi-même.

Vos prochains projets respectifs ?

V.G. : Je suis en train de mettre en place le financement et le tournage de mon prochain film, qui s’appellera « Bacho », nom d’un village situé au sud de l’Argentine, dans les montagnes de Patagonie. L’histoire d’une famille. Inés fera d’ailleurs partie du film.

Et toi, Inés ?

I.E. : Je rentre à Buenos-Aires pour commencer le tournage d’un film intitulé « Mellanera ».

Muy bien. Muchas gracías

I.E. et V.G. : Merci ! (rires)

Entretien réalisé par Sidy Sakho, à Paris, le 28 juin 2009, avec la collaboration de Stéphane Lam ( www.universcine.com/ ) et Camille Lopato (Chrysalis-films).

 

 

 

 

Titre original : Amorosa Soledad

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Durée : 76 mn


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