Adieu Berthe – L’enterrement de Mémé

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Bruno Podalydès signe une comédie caustique, sans illusions mais tendre. Et même émouvante sur sa dernière ligne droite.

À vrai dire, on attendait avec circonspection Adieu Berthe ou l’enterrement de Mémé. C’est que le précédent film de Bruno Podalydès, le tatiesque Bancs publics (Versailles rive droite), avait déçu il y a trois ans – superficiel, trop mal rythmé pour tenir ses ambitions polyphoniques. Bonne surprise : plus fluide et parfois très drôle, Adieu Berthe atteste d’un réel retour d’inspiration.
Un décès et une séparation : voilà les auspices guère réjouissants sous lesquels s’ouvre cette comédie atypique. D’une part, la mort de Berthe, une grand-mère si discrète que sa famille l’avait presque oubliée. D’autre part, la rupture sans cesse différée et d’autant plus douloureuse d’un couple de quadragénaires. À la croisée de ces deux déchirements : le personnage d’Armand, interprété par Denis Podalydès. Ce pharmacien de profession s’avère aussi indécis qu’irresponsable, touchant à force d’exhiber son perpétuel désarroi, tel un M. Hulot qu’on aurait contraint à se marier et à jouer le jeu des conventions sociales.

Symptômes du tempérament enfantin et velléitaire d’Armand : d’abord, son incapacité à choisir entre sa femme (Isabelle Candelier) et sa maîtresse (Valérie Lemercier). Mais aussi son goût pour la magie, passion d’enfance qu’il n’ose assumer auprès de sa famille. Le film aurait pu se calfeutrer dans ce fantasme, se complaire à exhiber l’attirail plaisamment désuet du prestidigitateur. Heureusement, le scénario se refuse à cette tentation autiste : le réalisateur semble surtout soucieux de donner du relief à ses personnages, leur faire dépasser le statut de stéréotypes parfois grossiers d’une certaine bourgeoisie de banlieue. Ainsi le spectateur est-il peu à peu sensibilisé aux affres d’Armand, confronté notamment au dilemme de faire soit enterrer, soit incinérer cette grand-mère qu’il connaissait si peu.

 


Un relief émotionnel inattendu

À la confusion d’Armand répond une mise en scène joueuse, qui égrène derrière sa sobriété presque forcée quelques jolies trouvailles. Exemple : les cartons colorés ponctuant chaque envoi de texto à la manière d’intertitres de cinéma muet. En parallèle, situations loufoques et dialogues caustiques scandent efficacement le récit. Ce ludisme constant, qui insuffle de la vitalité à une accablante accumulation de déconvenues, semble ouvrir pour Armand la possibilité de surmonter son désarroi, mais finirait par tomber à plat si une certaine émotion ne s’invitait aux deux tiers du film. À l’occasion d’une nuit passée à la maison de retraite de la défunte, Armand et sa maîtresse compulsent des lettres laissées par celle-ci. Découvrent par petites touches sa vie passée. Et, au diapason du spectateur, sont traversés par une émotion poignante, contenue, à l’aune de laquelle la mise en scène distanciée de Podalydès apparaît finalement moins ankylosée que délicate et pudique.

Berthe : derrière ce prénom suranné se cache un personnage invisible que ses sentiments de jeunesse rendent cependant un des plus vivants du film. En langage populaire, « Adieu Berthe ! » signifie que tout est perdu. L’ironie et la subtilité du film, c’est qu’en effet tout est perdu sans réellement l’être. La vie se poursuit : l’indécision ultime d’Armand coïncide avec celle d’un film refusant de se conclure totalement, comme par solidarité avec son personnage. Dès lors, le flottement cathartique sur lequel prend fin Adieu Berthe n’est pas sans évoquer, en mode mineur, l’émotion subtile sous la gouaille populiste qui irrigue certains films de Fellini, autre grand enfant mélancolique et inquiet dont Bruno Podalydès n’atteint évidemment pas la grâce formelle, mais n’en propose pas moins, aux dimensions de son petit univers une variante aussi touchante que ludique. Si bien que de ce film d’illusionniste sans illusions, désarmant d’humanité, on ressort non seulement attendri, mais étrangement requinqué.  

Titre original : Adieu Berthe ou l'enterrement de mémé

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Durée : 100 mn


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