“Annie the Nanny”
A travers les vitrines du Museum d’Histoire naturelle, les tribus lointaines se racontent par leurs coutumes familiales et éducatives. Celle de Manhattan s’incruste dans le diaporama. En voix-off, Annie la scientifique, jette un commentaire caustique sur l’éducation américaine bourgeoise, délivrée pour l’essentiel par la très recherchée tribu des baby-sitters. L’introduction est accrocheuse, dommage qu’elle soit freinée par une mise en garde qui inquiète pour la suite : « Si mon récit est plein de stéréotypes, pardonnez-moi, c’est parce qu’il n’est pas objectif. »
Mais la suite ne déçoit pas… tout de suite. La voix-off n’est pas utilisée avec abus et quelques « fantaisies » visuelles s’avèrent bienvenues. Dans la grisaille immense de la ville, Annie the Nanny se rêve Mary Poppins et s’envole au loin avec son parapluie écarlate. Pourtant, passées les dix premières minutes alléchantes, le ton s’essouffle. L’esthétique perd de sa malice et s’enfonce dans une image plus conventionnelle.
Le diable habite Manhattan
Remplir fièrement la page. Voilà ce qui motive Annie. Le carnet imaginaire qu’elle tient secrètement, contient le descriptif identitaire de chaque individu qu’elle croise. Excepté le sien. Ce sont nos choix qui nous définissent. Annie le sait pertinemment, ce qui explique d’autant plus son indécision quant à la façon de mener sa vie. Le journal d’une baby-sitter s’articule autour de sa quête d’identité.
Le rôle de baby-sitter apporte à Annie la maturité. Elle devient symboliquement mère. Et aussitôt la meilleure ennemie de l’anonyme Mme X (Laura Linney), la génitrice maniaco-dépressive du petit Grayer. L’antagonisme qui se crée rappelle immédiatement les héroïnes du Diable s’habille en Prada. Scarlett Johansson qui s’essaie de nouveau à la comédie depuis Match Point, peine à user de son charisme. Tandis que Laura Linney excelle dans la cruauté. La séquence du séminaire mères-nounous s’avère néanmoins le seul moment mordant de ce duel qui sombre dans le manichéisme social (les méchants bourgeois contre la philanthrope banlieusarde).
Problèmes d’adaptation
Adapté du best seller d’Emma McLaughlin et Nicola Kraus, Le journal du baby-sitter manque cruellement d’énergie. Certes les répliques acerbes s’échangent savamment. Mais l’écriture des personnages tourne à la caricature sans profondeur. L’humour ne sait s’il doit s’installer définitivement ou faire des apparitions parcimonieuses. Instable de par sa volonté de rester un film pour enfants et de toucher à la fois les adultes, le dosage ne fonctionne pas. Les seconds rôles auraient mérité davantage de poids. Le personnage joué par Alicia Keys fait office d’ornement pendant que celui du petit Grayer aurait gagné à plus d’ambivalence.
Après leur insolite American Splendor, Le journal d’une Baby-sitter de Robert Pulcini et Shari Springer Berman, déçoit. Seul reste du précédent film, Paul Giamatti, recyclé ici en père de famille inexistant. La prise de risque minorée. Miser sur un best seller et un casting en vogue ne sont visiblement pas les ingrédients infaillibles d’une réussite ; ce dont s’était largement démarqué American Splendor.
Sortie le 14 mai 2008