Dans un futur proche, l’astronaute Roy McBride est envoyé en mission aux confins de notre univers pour retrouver la trace de son père disparu depuis des années à la recherche de vie extraterrestre.
La filmographie de James Gray peut se diviser en chapitres. Ses trois premiers films (Little Odessa (1994), The Yards (2000) et La nuit nous appartient (2007)) se penchaient sur des relations fraternelles conflictuelles dans les bas-fonds new-yorkais sur une trame de film policier. Les deux suivants (Two Lovers (2008) et The Immigrant (2013)) mettaient en scène des triangles amoureux comme des tragédies grecques, un homme pris entre deux femmes pour le premier, l’inverse pour le second. Et depuis sa dernière œuvre en date, The Lost City of Z (2017), Gray sort de sa ville natale pour proposer des films en apparence d’aventure traitant de l’obsession et de la paternité. Les cadres sont cependant radicalement différents, The Lost City of Z se déroule au XXème siècle et suit un explorateur (ici le père) qui entraînera son fils dans sa quête folle ; tandis que ce nouveau film, Ad Astra prend le point de vue du fils laissé à l’abandon toute sa vie et qui voit dans cette mission l’opportunité de faire face à ses démons. La mise en scène de James Gray reste intacte, derrière quelques sublimes scènes d’actions flamboyantes, la sobriété de son cinéma apparaît dans son refus du trop grandiose. Pas de planète mystérieuse, pas d’enjeux d’envergure mondiale, un cadre pré-réaliste, imaginant la colonisation spatiale telle qu’elle le sera dans quelques dizaines d’années. L’on embarque dans des fusées comme dans des avions, la lune est colonisée par les marques et l’industrie, tout ici nous montre le devenir de l’être humain avec un sentiment fou d’exactitude. La conquête spatiale ne passe pas par la découverte mais la colonisation de l’univers, l’humanité va s’étendre de planètes en planètes jusqu’à envahir le cosmos, dévorer les mondes qui nous entourent.
Et comme dans The Lost City of Z, les explorateurs érigés en héros sont démythifiés, ils ont des failles propres à chaque individu. Le choix de Brad Pitt se révèle alors une évidence, une figure de l’héroïsme hollywoodien ici humanisé, capable de ressentir la peur ou la solitude. Son rôle est presque l’exact opposé de celui qu’il tient dans le dernier Tarantino, d’un côté un cascadeur tout puissant, sorte de super-héros capable de surpasser le réel (en gagnant face à Bruce Lee), et de l’autre un homme banal, touché émotionnellement et mentalement par son aventure pour enfin réaliser qu’à trop voyager dans les étoiles l’on en oublie sa place sur Terre. C’est dans la seconde partie de son film que Gray, conscient de son incursion dans le genre de la science-fiction, questionne le rôle de l’astronaute et comment son refus du sociable (due évidemment à son travail chronophage) l’amène vers la solitude. Impossible de revenir d’une mission sans être affecté par l’emprisonnement que procure le vide spatial. Une solitude de l’individu qui renvoie à la solitude de l’humanité dans l’univers, les raisons du départ de son père.
Comme son précédent film, Ad Astra est une œuvre très intimiste dans un cadre épique d’aventure. Les liens familiaux sont plus importants que l’espace, la soif obsessionnel d’un homme se répercute sur sa filiation, et la recherche de l’inconnu doit se faire non pas dans les étoiles mais dans les sentiments des hommes.