Sans Sarah, rien ne va!

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L´équipe de « Quarante ans toujours puceau » et d´ »En cloque, mode d´emploi » frappe de nouveau et présente sa << première comédie sentimentale catastrophe >>. La catastrophe, c´est plutôt, hélas, le film lui-même. Reste cette alternative : fuir ou méditer sur une espèce en voie de disparition, la comédie qui fait vraiment rire…

La machine comique américaine est donc relancée, celle du Frat Pack (que nous vous avions présenté à l’occasion de la sortie d’A Bord du Darjeeling Limited). Un de ses animateurs, Judd Apatow, a produit Sans Sarah, rien ne va !
Sarah, star d’une série télévisée, largue sans trop de ménagement son petit ami Peter. Celui-ci vit très mal cette rupture et décide d’oublier son désespoir en partant à Hawaï – mais, manque de chance, Sarah y est aussi, dans le même hôtel, qui plus est accompagnée de son nouveau compagnon, chanteur de rock à succès. Dès lors, Peter tente de se consoler dans ce cadre magnifique, grâce au surf, aux cocktails et à Rachel, la ravissante réceptionniste de l’hôtel.

Du film, il y a bien peu à garder : l’histoire (écrite par Jason Segel, qui interprète Peter et qui figurait au casting d’En cloque, mode d’emploi) est sans surprise, et elle a déjà été traitée de nombreuses fois. L’écriture est paresseuse, sans relief et surtout sans aucun style véritablement comique. Du coup, le film n’est pas drôle, il se contente de dérouler les scènes attendues. Le cliché va jusqu’à opposer deux femmes qui se disputent les faveurs de Peter – l’une est blonde (et pas très sympa, c’est Sarah) et l’autre, forcément, brune (celle qui « gagne » le coeur de Peter). Même la musique, qui tient une place importante à travers des chansons écrites par Segel lui-même, et particulièrement une scène finale de comédie musicale avec marionnettes, ne sauve pas la mise, tant elle hésite entre un vulgaire de bas étage (le chanteur rock ridiculisé), et une utilisation somme toute conventionnelle (le spectacle de marionnettes, typique des shows indépendants).

N’était-ce que le scénario, le film pourrait se regarder comme une série télévisée. On notera d’ailleurs que le gros du casting est constitué d’acteurs venus du petit écran, à l’instar de Kristen Bell, vue dans Veronica Mars, et maintenant dans Heroes, ainsi que Mila Kunis, transfuge de That 70’s Show. Malheureusement, la réalisation est tout aussi absente et l’interprétation inégale, où l’acteur principal est fort peu expressif, loin des foldingueries de Ben Stiller ou de la malléabilité physique de Jim Carrey.

Alors, le film devient un prétexte à la réflexion : qu’est devenue la comédie américaine ? L’évolution est frappante depuis quelques années : le corps comique américain semble gagné par l’apathie et la neurasthénie ; il est de plus en plus statique, inexpressif et paraît ressasser les mêmes idées. Cette toute nouvelle génération de comiques paraît stagner dans l’indétermination d’une fausse immaturité et d’un imaginaire appauvri. Ils déploient dans leurs films des histoires avant tout centrées sur elles-mêmes, visions égotistes de jeunes gens issus d’une société de sur-consommation, qui vivent repliés sur leur monde. Cette hyper-narcissisation de la comédie lui fait perdre, au passage, le second degré comme grille de lecture ; elle n’est ainsi qu’un défouloir assez pathétique pour de grands adolescents qui utilisent l’auto-dérision comme un gimmick, espèce de tic qui rend leurs tentatives de mise à distance comique inopérantes.

Dès lors, la comédie n’est plus que référence. Exclusivement influencée par le style de la télévision, hors de toute visée subversive, elle consacre le divertissement comme roi. Ainsi, la seule idée un peu rigolote du film réside dans la (timide) parodie des séries télé en vogue comme Les Experts. Mais à y regarder de plus près, il apparaît que, par ce biais, la boucle est bouclée, la télé influençant les films, les films rendant un hommage à la prégnance de la télé. Entre temps, le Cinéma, lui, a pris un autre chemin.

Titre original : Forgetting Sarah Marshall

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Durée : 111 mn


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