Quién te cantará

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Entre Hitchcock et Almodovar, un troisième film prometteur.

Le double féminin

Jeune réalisateur, dont c’est le troisième long métrage, mais aussi scénariste, producteur et dessinateur de bandes dessinées, on peut dire Carlos Vermut a du talent. Son deuxième long métrage, La niňa de Fuego, découvert en 2014 au festival de Toronto, puis récompensé de deux prix importants au festival de San Sebastian, a été encensé par Pedro Almodovar, qui l’a qualifié de « révélation espagnole de ce siècle ». Film jouant sur le double féminin, qu’Hitchcock avait exploré, de même que David Lynch bien après lui, Quién te cantará est bien sûr un hommage à la femme, mais surtout à la magie de la star puisqu’il met en scène une chanteuse imaginaire, sorte de Dalida ibérique aux costumes pailletés, évoluant dans un décor sobre et dépouillé à la Edward Hopper, que Carlos Vermut dit adorer. Avec une lumière souvent froide et quasiment électrique, celle d’Edu Grau, et un ton narratif volontairement neutre, le film propose un portrait de femmes, finalement gigognes, sans pathos ni mélo même si ces histoires d’amnésie, de solitude et de violence pourraient s’y prêter sans problème.

 

 

Diva fanée

Le film, qui sera distribué avec son titre en espagnol, se résume bien par ces quelques mots qui pourraient être traduits pas « Qui te chantera » car il s’agit en effet d’un travail de mémoire et de passation de talent entre une star qui a perdu la mémoire et une petite chanteuse de karaoké inconnue qui va en fait la remplacer. Un peu à la manière du film de Mathieu Amalric, dans lequel une mise en abyme, celui d’une comédienne interprétant le rôle de la vraie Barbara qu’on aperçoit, parfois, au détour d’une image dans un écran télé ou sur une affiche. Le film est une réussite, et celui de Carlos Vermut presque tout autant, surtout parce qu’il n’a jamais voulu passer pour un film citationnel ou pour un hommage appuyé à tout le cinéma qui le précède. Il met en scène, de façon froide mais efficace, la vie « d’une diva fanée, ainsi qu’il l’explique dans le dossier de presse du film, qui, du jour au lendemain, ne peut plus chanter, ne supporte plus le poids de la célébrité, reste cloîtrée chez elle pour ne plus se produire sur scène. La chanteuse japonaise Chiaki Naomi a été mon modèle, aussi bien dans son histoire que dans le style de Lila. »

 

 

Identification et destruction

Il y a aussi dans ce film, au-delà de la vision du cinéaste sur le petit monde de la chanson et de la célébrité, tout un travail sur les ambiances, entre l’aspect solaire, presque minéral, de la maison de Lila et celui de la nuit, de Violeta dans l’obscurité du karaoké où elle interprète jusqu’à la folie les chansons de son idole. Lorsqu’elles vont se rencontrer, aidé en cela par la secrétaire de la diva, elles vont commencer à se ressembler de plus en plus, jusqu’à l’identification qui ne va pas sans rappeler les relations mère-fille qui sont mises à jour dans le film, en terme de passion, de rivalité, voire de destruction. Beau travail de direction d’actrices surtout, et c’est en cela que le style de Carlos Vermut s’apparente bien sûr à celui de Pedro Almodovar, en nous livrant ce film énigme à la beauté et au style vénéneux à la manière quelquefois de Fassbinder.

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Durée : 114 mn


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