Quelque Part Dans Le Temps

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L’histoire d’une rencontre…

En mai 1972, le soir de la première représentation de sa toute première pièce de théâtre, Richard Collier (Christopher Reeve) fait la rencontre d’une vieille femme qui l’implore de « revenir vers elle ». Huit ans plus tard, alors qu’il essaye de trouver l’inspiration pour sa nouvelle pièce au « Grand Hôtel », il est étrangement captivé par la beauté d’une jeune femme sur une vieille photographie. Richard découvre qu’il s’agit d’une actrice célèbre du début du XXe siècle : Elise McKenna (Jane Seymour).

L’obsession grandissante de Richard pour cette femme le mène à s’auto-hypnotiser afin de remonter le temps pour la rencontrer. Là, c’est le coup de foudre…

Si certains grand chefs-d’œuvres de l’histoire du cinéma doivent leurs qualités à leur conception dans la douleur, d’autres au contraire semblent avoir été touchés par la grâce durant tout leur processus de création, entre vraie belle inspiration et hasards incroyablement heureux. On peut aisément classer ce Somewhere in time dans cette seconde catégorie tant, des interprètes au réalisateur, tout semble s’être idéalement agencé pour livrer un film magique.

Tout part d’une expérience de l’auteur Richard Matheson qui, subjugué par une vieille photo de l’actrice de théâtre Maude Adams, va faire une véritable fixation. Imaginant ce qui pourrait arriver s’il remontait le temps pour la retrouver, il s’isole dans un vieil hôtel pour écrire Le jeune homme, la mort et le temps, reconnu comme un de ses plus beaux romans, où le héros est donc un miroir de lui-même.

Lorsqu’une adaptation cinéma est envisagée, le producteur Stephen Deutsch fait appel au réalisateur Jeannot Swarc, qui vient de remporter un certain succès avec Les Dents de la mer 2, seule suite valable du chef-d’œuvre de Spielberg. Ce français installé à Hollywood est un choix étonnant, au mieux honnête faiseur dans la première partie de sa carrière (Jaw 2 donc, mais aussi Supergirl ou Santa Claus dans les 80’s) , vrai tâcheron dans la seconde (les navrants La Vengeance d’une blonde et Hercule et Sherlock durant les 90’s) et aujourd’hui reconverti en réalisateur tv pour des séries comme Smallville ou Heroes. On peut donc véritablement parler de la rencontre d’un auteur avec son sujet, tant Szwarc fait montre ici d’une inspiration qui fera défaut au reste de son œuvre, ce Somewhere in time constituant vraiment le projet de sa vie.

L’un des grands mérites de Szwarc est d’avoir su retranscrire brillamment l’esprit du roman de Matheson dans le fond comme dans la forme. Le concept d’un homme effectuant un voyage dans le temps par la seule force de son esprit est d’une grande puissance littéraire, mais difficilement traduisible à l’écran, à moins de toucher au plus près l’un des thèmes principaux du livre (et qui en suscita l’écriture), l’obsession amoureuse. Christopher Reeve, souhaitant se sortir du carcan Superman, livre une prestation incroyablement habitée, véritablement hypnotisé par la photo de Jane Seymour dont la beauté et le mystère sont idéalement capturés bien avant son apparition effective à l’écran, le spectateur partageant la fascination du héros (avec une jolie idée narrative révélant plus tard qu’elle regardait Collier quand fut prise la photo). Reeve eut d’ailleurs une belle inspiration en demandant à découvrir pour la première fois la photo de Elise McKenna au moment du tournage de la scène, renforçant ainsi l’intensité de ce moment en une prise magistrale, où la photo se voit illuminée d’une lumière diaphane annonçant l’ambiance onirique de la seconde partie du film.

La mise en image du saut dans le temps obéit donc également à cette traduction sur pellicule de l’obsession amoureuse. Le montage traduit le long processus conduisant Richard Collier à se convaincre de la possibilité de remonter en 1912 ; le saut en lui-même reste dans cette tonalité de rêve éveillé, avec la chambre se transformant lentement en fondus enchaînés discrets, et ce n’est qu’un simple rayon de soleil qui nous fera comprendre qu’il a réussi. L’absence d’effets spéciaux et l’usage d’outils purement cinématographiques contribuent grandement à la crédibilité de la scène, en se focalisant sur la psyché de son héros.

Le poids du destin et de l’inéluctable pèse sur tout le film, en particulier l’histoire d’amour, que Szwarc parvient à traiter avec une belle efficacité au vu du court laps de temps où se déroule le récit. Retardée plusieurs fois, la rencontre entre Reeve et Jane Seymour offre une des plus belles scènes du film, les deux amants se retrouvant dans un sous bois, irrésistiblement attiré l’un vers l’autre, alors que le temps semble se figer. Tous les indices, les repères distillés auparavant, conduisaient à ce moment résumé idéalement à cette question posée par Jane Seymour, alors qu’elle voit Richard Collier pour la première fois : « Is it you ? ». L’aspect film d’époque est particulièrement plaisant, le cadre du Grand Hotel (l’hôtel du roman, qui était le même que celui de Certain l’aiment chaud, fut écarté) offrant des vues particulièrement majestueuses, notamment la scène de l’après-midi en amoureux des héros, où la photo diaphane de Isidore Mankofsky, inspirée des peintures impressionnistes de Monet et Degas, fait merveille.

Les rares infidélités au roman de Matheson se font également dans le bon sens. Dans ce dernier, le héros mourrait d’une tumeur au cerveau causée par l’effort consenti pour le voyage dans le temps. Szwarc va donner une issue plus romantique, où Collier meurt de chagrin d’avoir perdu son amour. En effet, si l’on est prêt à croire qu’un homme puisse remonter en 1912 par amour, pourquoi ne pourrait-il mourir pour la même raison ? Dernier atout de taille, un « score » exceptionnel de John Barry, parmi ses plus marquants. Loin de ses cachets habituels, il accepta le projet par amitié pour Jane Seymour et, ayant perdu ses deux parents à quelques semaines d’intervalles, trouva dans les tourbillons de sentiments du film un écho à sa propre tristesse pour livrer une musique mélancolique et romanesque.

Mal distribué, le film fut un échec à sa sortie, au grand dam de ses instigateurs. Mais les multiples rediffusions télé lui ont conféré au fil des ans une aura de film culte, au point d’être considéré comme un classique méconnu aujourd’hui. Les sites anglo-saxons décryptant le film (notamment ses étonnantes similitudes avec le Titanic de James Cameron) pullulent sur Internet et une convention fut même organisée en 2000 au Grand Hôtel pour ses 20 ans. De leur propre aveu, Jane Seymour, Jeannot Szwarc et Christopher Reeeve admettent d’ailleurs, dans l’émouvant making of, avoir vécu là le moment le plus passionnant de leur carrière. On est tout disposés à les croire.

Titre original : Somewhere in time

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Durée : 103 mn


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