Amoureux éperdu du cinéma hollywoodien, en bon archéologue Peter Bogdanovich a ressorti le moule de la Screwball Comedy pour façonner son petit bijoux rétro. En référence à l’âge d’or du genre des années trente et quarante. L’insouciance et le loufoque reviennent submerger une aventure qui se déleste de toute vraisemblance, la rationalité cédant sa place à la raison du plus drôle, sans laisser le temps de s’embarrasser de toute considération psychologique ou sociologique. Universitaire, Howard Bannister a pour fiancée une jeune femme qu’il n’a jamais regardée en face, tant son attention est obnubilée par ses vielles pierres dont il a découvert la musicalité. Une météorite jaillit alors dans son cosmos, sous les traits Judy Maxwell (Barbra Streisand), bien décidée à tout faire voler en éclats.
Le point de départ rappelle L’impossible monsieur bébé, le chef d’œuvre d’Howard Hawks, les situations impossibles lorgnent du côté des Marx Brothers, les standards de Cole Porter et d’Herman Hupfeld (As Time Goes By de Casablanca) adoucissent le périple de ce monde de fou ; les vertus revigorantes de la nostalgie produisent tous leurs effets. L’hommage est d’autant plus réussi que Bogdanovich ne cherche nullement à moderniser le genre. L’esprit frondeur des années soixante-dix n’a pas de prise sur la tonalité de sa comédie. Alors qu’une bonne dose de provocation, tant dans le langage que dans les situations vient pimenter le cinéma des seventies, On s’fait la valise, Docteur ? retrouve la pudeur et la candeur de ses illustres prédécesseurs.
Le punch de la mise en scène repose en grande partie sur le potentiel comique des espaces. Les couloirs de l’immense hôtel accueillent un jeu de piste déroutant dans lequel une chatte n’y retrouverait pas ses petits ; la course à la bonne valise tournant naturellement au fiasco. Les artères vertigineuses de San Francisco nous propulsent dans une poursuite burlesque qui n’a rien à envier à Bullit. Quand tous les agités du bocal se retrouvent confinés par la force des choses, c’est à celui qui parlera le plus fort ou le plus vite pour sortir de la mêlée. Les argumentations qui se veulent complètes et claires produisent logiquement les plus jouissives cacophonies, notamment lors de la savoureuse scène du tribunal. Face à l’impassible Ryan O’Neal, dont le manque habituel d’expressivité devient ici un atout, Barbra Streisand s’impose haut la main. Pour autant, sa spontanéité, sa vigueur, sa malice ne cannibalisent pas tous les regards, car les tics des autres loustics ne cessent de clignoter. En tête de cette joyeuse bande, Madeline Kahn, perruquée et pétaradante. That’s All Folks !