Nous sommes tous en liberté provisoire (L’istruttoria è chiusa: dimentichi, Damiano Damiani, 1970).
Accusé d’un délit de fuite après un accident de la route, Vanzi (Franco Nero) est mis sous les verrous, devenant ainsi la proie de véritables criminels. Nous sommes tous en liberté provisoire débute comme un pur film de prison en s’appuyant sur le décorum spartiate et crasseux à souhait des cellules surpeuplées dans lequel défile le bestiaire cauchemardesque le plus féroce et répugnant qui soit. Mention spéciale au criminel pétomane, campée par l’une des « gueules » les plus inquiétantes du cinéma de genre italien ‘(Western, horrreur, policier…) John Steiner. Dans cette arène où la carrure de l’architecte ne lui sera pas d’un grand secours, seul recours possible, les petits arrangements obtenus par son envergure financière. Déjà dans la partie survivaliste du film qui n’est pas la plus intéressante car maintes fois mis en scène, la personnalité de l’architecte soulève des problématiques ontologiques et politiques. Face à l’injustice qui l’aurait conduit en prison et l’iniquité du fonctionnement pénitentiaire, Vanzi oscille entre révolte et compromission sans jamais choisir son camp. Se développe ensuite une intrigue complexe et retors de manipulations, qui fait écho à la corruption qui gangrène le fonctionnement des institutions italiennes. Le récit prend des allures paranoïaques et complotistes par l’entremise du personnage incarné par l’excellent Riccardo Cucciolla, inoubliable Sacco dans Sacco et Vanzetti (Guiliano Montaldo,1971). Si comme celui des grands cinéastes politiques de son époque, tels que Francesco Rosi et Elio Petri… , le cinéma de Damiano Damiani se veut une charge virulente contre les « systèmes », il mène ces différentes croisades dans un style sec, violent, haletant. Les atours du cinéma de genre au service d’un cinéma réflexif et engagé. Deux portraits édifiants de la Camorra sicilienne, La mafia fait la loi (1967), Seule contre la mafia (1970). Les impasses de la justice, toujours avec Franco Nero : Confession d’un commissaire de police au procureur de la république (1970), Comment tuer un juge (1975, également proposé chez Artus Film. ), Un juge en danger (1977). Comme tous ces titres cités, Comme eux, Nous sommes tous en liberté provisoire, joue dans la cour des grands.
Un citoyen se rebelle (Il cittadano si ribella, Enzo G. Castellari, 1974).
Simple client d’une banque Carlo Antonelli est violenté par une équipe de braqueurs sans vergogne. Dans un pays qui voit se multiplier les exactions en tout genre, la police a d’autres chats à fouetter que de rechercher avec insistance les coupables. Pourtant peu équipé pour se faire justice lui-même, Carlo se lance dans une croisade sans limites. Polioziottescho pur jus, Un citoyen se rebelle utilise à bon escient le contexte socio-politique brulant de l’époque, en traduisant l’effet de contagion de la violence sur les simples citoyens désabusés -Colère noire de Fernando Di Leo (1975) reprendra un schéma similaire. Enzo G. Castellari est un maître incontesté du western transalpin. Baigné dans le moule spaghetti », Tuez-les tous… et revenez seul ! (1968), Keoma (1976) étant surement ses plus belles réussites, il trouve dans le cadre urbain et contemporain des années de plomb un terrain de jeu aussi aride pour chorégraphier de façon spectaculaire les débordements de violence. Big Racket (1976), disponible également chez Artus films, reste encore aujourd’hui réellement impressionnant sur cet aspect. Dans Un citoyen se rebelle, la montée en température est progressive jusqu’au final explosif. Plus encore que l’efficacité sans faille des Gunfight et des poursuites, les stigmates de la violence s’apprécient et se vivent avec intensité sur le corps et le visage de l’acteur fétiche de Castellari, et d’une façon beaucoup plus large de l’époque bénie de l’action made in Italy, Franco Nero. L’homme au physique de rêve, qui se maquillait pour paraitre plus vieux durant son plus son jeune âge pour que le poids réel des années paraisse sans prises sur lui au fil des ans (selon une célèbre anecdote racontée par Tomás Milián), n’est jamais en reste pour encaisser les coups les plus violents. Ensanglanté, trainé dans la boue,mutilé comme dans Django (Sergio Corbucci, 1966), une telle capacité à susciter et à encaisser les coups relèvent plus de l’exaltation masochiste que de l’ héroïsme. Comme dans Nous sommes tous en liberté provisoire, le visage de la star transpire la peur. À la limite des larmes, vociférant, l’homme plie mais ne rompt jamais. Dopé à la hargne sa croisade jusqu’au- boutiste suscite aussi bien l’effroi que la compassion. Un citoyen se rebelle frappe fort et juste.
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