Outre une énième variation autour des mystères du rapport de l’homme face à la nature, c’est plutôt la latence dans laquelle les soldats pas encore disparus agissent qui donne au film un certain pouvoir de fascination. Car Ni le ciel ni la terre observe des hommes entre eux, dans un monde sans femmes (seule la voix – et encore, technologisée – de l’épouse de l’un d’eux rappelle qu’ailleurs, les femmes existent) où, quand une menace invisible gronde, tous ont un choix à faire : se battre ou sombrer. C’est ce que Cogitore ausculte le mieux, quand il s’agit de filmer ici une peur paralysante, là un acharnement à l’action qui confine à la folie (le trou béant creusé par Bonnassieu). Le cinéaste fait, par ailleurs, d’un territoire nouveau le terrain d’expériences visuelles, malheureusement pas formidables : en dehors de plans entiers tournés en vision thermique (tels que vus depuis un attirail de guerre), pas de trouvaille éblouissante, ce qui s’avère d’autant plus décevant de la part d’un artiste habitué à l’image. Reste une utilisation de la musique hors pair, notamment dans une scène de danse habitée qui rappelle le Beau Travail (1999) de Claire Denis ; et, surtout, une observation fine du glissement des hommes à côté d’eux-mêmes. Sinon, Ni le ciel ni la terre reste trop opaque dans ses intentions pour emporter tout à fait.
Ni le ciel ni la terre
Article écrit par Jean-Baptiste Viaud
Premier long opaque du plasticien-vidéaste Clément Cogitore.