Neuilly sa mère !

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« Neuilly sa mère » a le chic d’avoir un point de vue pertinent tout en étant hautement divertissant. La comédie réalisée par Gabriel Julien-Laferrière sur les tribulations d’un adolescent << téléporté >> de sa banlieue populaire à celle, plus bourgeoise, de Neuilly-sur-Seine, mérite toutes les attentions.

Neuilly sa mère est un cousin cinématographique de La vie est un long fleuve tranquille. Les héros d’antan ont juste cédé leur place à un fils d’immigré. La question reste néanmoins toujours la même : « Comment se conformer à de nouveaux codes sociaux quand ils vous sont totalement étrangers ? » Sami Benboudaoud, 14 ans, dont la mère est embauchée sur une croisière, doit quitter sa cité de Chalon-sur-Saône et ses amis pour Neuilly-sur- Seine, où habite sa tante Djamila. Cette dernière est l’épouse de Stanislas de Chazelle, issu de la grande bourgeoisie française et patron d’une entreprise spécialisée dans le porc. Le choc est terrible pour Sami, moins du fait de sa capacité à s’adapter que de l’animosité témoignée par son cousin Charles. Le rêve de ce dernier : devenir président de la République.

La comédie réalisée par Gabriel Julien-Laferrière, d’après une histoire de Djamel Bensalah, également co-producteur du film, est assez bien menée. Le contraste entre le quotidien en banlieue et le nouveau style de vie de Sami suffit à produire des situations équivoques. Sami n’ose pas, par exemple, avouer à ses copains qu’il vit dans une banlieue chic. Il s’évertue à la faire passer pour plus dangereuse qu’elle n’est. De même, les « racailles » de son collège privé sont bien ridicules, comparées à celles côtoyées à Châlon. Cependant, la vraie valeur ajoutée de Neuilly sa mère se trouve dans la retranscription de ces petits moments que tout nouveau venu dans une communauté bien établie a vécus : les recommandations de la maman de Sami, qui lui demande de bien se tenir, les bêtises dont on rend systématiquement responsable le banlieusard, ou encore les allusions déplacées sur la vie en cité. Une scène témoigne bien de ce souci de véracité : Djamila est persuadée de l’implication de son neveu dans un incident, qui lui est reproché, et lui assène qu’il est à l’origine de « la honte » de sa vie. A elle seule, cette séquence dit les efforts pour mériter sa place dans une société qui vous rejette et le stress d’être toujours à la hauteur des attentes de ceux qui vous renverront à la figure, au moindre faux pas, vos origines sociales ou ethniques.

Le charme de cette comédie tient également à celui de son héros, Samy Seghir à la ville, vu dans Michou d’Auber aux côtes de Gérard Depardieu et de Nathalie Baye dont il jouait le fils adoptif. Sa partition est sans fausse note. Il est entouré de seconds rôles tout aussi truculents. Entres autres, Valérie Lemercier en ex-épouse acariâtre, Josiane Balasko et Armelle, respectivement proviseur et professeur coincées du nouveau collège huppé de Sami et Eric (du duo Eric et Ramzy) qui incarne le père fou de foot et fan de Zidane de l’adolescent. Leur prestation, piquante à souhait, contribue à renforcer un propos comique déjà efficace. On appréciera aussi les effets graphiques qui accompagnent la narration des péripéties de Sami.

La sensation de ne jamais être à sa place, véhiculée par des héros adolescents qui vivent de façon permanente dans ce ressenti, fait de Neuilly sa mère un film léger mais consistant, articulé autour du délicat sujet de l’intégration, au sens premier du terme. Pour une fois que la question prête à rire, il serait dommage de s’en priver !

Titre original : Neuilly sa mère !

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Durée : 90 mn


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