L’idée de Mia Madre est venue À Nanni Moretti alors que sa propre mère meurt, lors du montage de son précédent film Habemus Papam (2011). Mia Madre est donc une oeuvre éminemment personnelle, sans que le réalisateur n’ en soit pour autant le centre. C’est à Margherita, son héroïne, dans le film réalisatrice de cinéma, mère d’une petite fille et divorcée, à qui est dévolu le rôle de veiller une mère dont elle sait que l’agonie est proche. Nanni Moretti, lui, joue le rôle de son frère, se tenant toujours à l’arrière-plan, presque en contrepoint, d’une sœur aux prises avec la douleur, le doute, toutes les questions qui l’assaillent et qui en font un être instable, agité par l’angoisse de la mort annoncée de sa mère. Le frère donc, même s’il est effacé, a ici un rôle primordial dans le dispositif que met en place Moretti ; il est la référence, le pilier sur lequel Margherita peut s’appuyer, sans que cela ne soit jamais asséné ; au contraire la complicité entre le frère et la sœur est seulement visible dans des gestes retenus, des paroles muettes à travers une vitre, toujours d’une extrême discrétion – des mouvements à peine perceptibles qui sont une des explications de la subtile émotion qui se dégage de cette histoire simple.
Mia Madre n’est pas un film sur le deuil, mais un film sur la préparation au deuil, sur la mort qui vient. Ces moments où l’on entoure un proche malade qui va s’en aller. On pense à La Gueule Ouverte (1974) de Maurice Pialat, dans lequel le cinéaste français montre l’agonie d’une femme (Monique Mélinand) entourée notamment de son fils (Philippe Léotard) et de l’amie de celui-ci (Nathalie Baye). Pialat et Moretti traitent du même sujet et c’est aussi dans les deux cas un thème autobiographique. C’est l’agonie de leur propre mère qu’ils filment. Pialat, avec sa violence naturaliste jamais égalée, met l’homme à nu, montre ce qu’il est devant la mort, sans concession. Et le maître français ne nous épargne pas, il va jusqu’au bout du désossement de ses personnages, de son entreprise de dévoilement de l’homme et ainsi nous laisse pantelants devant nos contradictions les plus terribles – sans échappatoire. La méthode de Moretti est bien plus douce. Si lui non plus n’ use pas d’artifices, de facilités, encore moins de clichés et d’une unitéralité arrangeante, son film n’est pas vraiment pessimiste. Au contraire, c’est un film doux, une démonstration de ce que la période précédant le deuil d’un proche, si elle bouleverse, fait perdre ses repères, est aussi le moment pour les hommes de la réconciliation, de se retrouver.