Mean Streets

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Troisième film de Martin Scorsese, après Who´s that Knocking at my Door (1967) et Bertha Boxcar (1972), Mean Streets met en scène les tribulations et itinéraires croisés de quatre jeunes caïds du quartier de Little Italy à New York, là même où Scorsese a passé sa jeunesse. Parmi eux se trouvent deux personnages au caractère […]

Troisième film de Martin Scorsese, après Who´s that Knocking at my Door (1967) et Bertha Boxcar (1972), Mean Streets met en scène les tribulations et itinéraires croisés de quatre jeunes caïds du quartier de Little Italy à New York, là même où Scorsese a passé sa jeunesse. Parmi eux se trouvent deux personnages au caractère bien trempé : d´un côté Charlie (Harvey Keitel), sérieux, posé et carriériste, et de l´autre Johnny Boy (Robert De Niro), complètement allumé, ingérable et criblé de dettes. Manifeste sur la condition de la petite délinquance italo-new-yorkaise, ce film sans véritable intrigue nous décrit une Amérique au visage peu reluisant.

Pour la petite histoire, désireux de s’inscrire dans la veine lucrative des films de la << Blaxploitation >> tels que The Cool Breeze (Barry Pollack, 1972), Roger Corman, alors producteur de Scorsese, souhaitait vivement lui faire réaliser un film portant sur la communauté Afro-américaine. Mais se remémorant les bons conseils de son modèle John Cassavetes, Scorsese choisit finalement un projet plus personnel : Season of the Witch, dont il améliora la dramaturgie et modifia le titre pour l’intituler Mean Streets.

Dans ce film, le grain de la pellicule au style rugueux, sale et imparfait, délivre à lui seul un message à la fois personnel et propre à la décennie dans laquelle il s´inscrit. Amorcé par Bonnie And Clyde (Arthur Penn, 1966) ou encore Easy Rider (Dennis Hopper, 1969), le cinéma américain des années 70 verse dans un phénomène social et culturel surnommé la << Contre-culture >>. Prenant la tangente parfaite du politiquement correct et des bonnes moeurs, ce courant a pris corps en réaction aux années 60, dont certains événements tels que l’assassinat de JFK, ou encore l´enlisement dans la guerre livrée au Vietnam, avaient absous les espoirs de grandeur et d’épanouissement de citoyens déçus. Comme pour conjurer cette déception, exorciser ce malaise sociétale prégnant, mais également pour faire face à un cinéma jusque là relativement conformiste, la violence, les excès en tous genres et les tensions sociales vont faire leur apparition dans une partie des films de cette époque qui se refusent en même temps de nourrir un quelconque idéal. C’est ce qu’on appelle le << Nouvel Hollywood >>. Sans concessions, Mean Streets s’inscrit précisément dans ce schéma. Faisant des crapules de quartiers, ces parfaits anti-héros, ses personnages centraux, le film refuse de se laisser emporter dans une vision bipartite de la société où le Bien et le Mal seraient en conflit. Même les flics y sont corrompus et les prêtes accusés d’être des menteurs. Dépassant ces clivages, le film explore ainsi et sans compassion envers ses personnages l’univers sombre et malsain des bas-fonds de Little Italy.

Dans cette société souterraine, habilement métaphorisée par des scènes se déroulant fréquemment dans des « bars-billards » situés en sous-sols et autres backrooms, se mêlent arnaques, complots, bagarres incessantes, jeux d’argent, contrebande, etc. Les lumières rouges sang qui envahissent les lieux, les dialogues sordides constamment déblatérés et les comportements de certains personnages tels que Johnny Boy versant constamment dans l’excès, théâtralisent un mode de vie également présenté sur un mode documentaire. En filmant dans de véritables lieux, souvent dans la rue et caméra à l’épaule, le film affiche en effet un désir de << faire vrai >> tout en jouant parfois dans un registre presque grotesque, aux limites de la bouffonnerie. Mais la vie est ainsi faite, semble nous dire Scorsese. Il n’y pas de vérités, de comportements types. La société en générale, et le monde crapuleux en particulier, sont à observer et à saisir dans leur complexité la plus parfaite. L’incertitude et le doute sont de mises.

Notamment personnifié par Charlie, cet aspect se traduit chez lui par l´hésitation qui l´habite à choisir entre une vie ordinaire épanouie et une carrière mafieuse qui le séduit par-dessus tout. Ayant pour volonté d’agir en bon chrétien dans la mesure où il tient à être proche et protecteur à l’égard des gens qui l´entourent et qui lui sont chers, il s’accroche dans le même temps à la reconnaissance d’un milieu qui l’oblige à faire des choix sur ses fréquentations. Charlie est un personnage en perpétuel conflit intérieur. Triste paradoxe pour cet homme qui veut jouer les durs et dont les questions existentielles, jamais explicitement formulées, ne font que renforcer le talent alors émergeant d’un Scorsese qui joue ici d’une finesse remarquable pour dépeindre un monde de brutes.

Titre original : Mean Streets

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Durée : 106 mn


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