L’Ombre d’un doute (Shadow of a Doubt – Alfred Hitchcock, 1943) )

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Ressortie en salles de « L’Ombre d’un doute », oeuvre duale et sombre d’Alfred Hitchcock.

Réalisé en 1943, après Saboteur (1942) et avant Lifeboat (1944), L’Ombre d’un doute (Shadow of a doubt) reste l’un des films préférés d’Hitchcock. Une œuvre assez noire, teintée de pessimisme, marquant à sa manière un petit tournant dans la filmographie du cinéaste puisque dès lors, il aura de plus en plus tendance a délaisser les divertissements purs pour des films plus graves et sérieux.

L’histoire est celle de Charlie Oakley (l’excellent Joseph Cotten), un tueur de veuve en cavale. Il se réfugie chez la famille de sa sœur en Californie et y est accueilli avec amour et tendresse, en particulier par sa nièce qui lui voue un véritable culte. Pourtant, celle-ci commence peu à peu à le soupçonner. Charlie n’a alors d’autre solution que de la supprimer…

La relation entre Charlie et sa nièce est le nœud du film. Le rapport entre les deux personnages relève de la filiation fusionnelle et de la superposition. Chose la plus évidente, tous deux portent le même prénom. La première fois que l’on voit Charlie, il est allongé sur son lit ; c’est avec la même image que Hitchcock nous présente la nièce. Ils aiment se répéter que le même sang coule dans leur veine, et qu’ils sont presque à tous points semblables. La caméra renforce la proximité entre les deux personnages : ils sont souvent cadrés de profil, face à face ou côte à côte. Et plus fondamentalement encore, on a l’impression qu’ils sont les deux faces, l’une obscure, l’autre plus claire, de la même personnalité.
 

Le personnage de l’oncle Charlie fait réellement froid dans le dos. En apparence, c’est un homme charmant, intelligent, beau garçon qui plus est. Pourtant, il croit réellement que sa vraie mission est d’éradiquer les veuves « grasses et feignantes » qui ne font rien d’autre que de « gaspiller la fortune des autres, mangeant et buvant leur argent, se gavant de leurs bijoux ». « L’oncle Charlie ne ressent aucun sentiment de culpabilité. Pour lui, l’élimination de ces veuves est une mission, une contribution sociale à la civilisation » (Hitchcock, in Vanity will get you somewhere). Mais peut-être l’oncle Charlie représente-t-il tout simplement le porte-parole d’un cinéaste un brun désabusé et qui ne se fait plus beaucoup d’illusions sur le genre humain : « Le monde est une porcherie. Les maisons sont remplies de pourceaux. Le monde est pourri. Réveillez-vous ! », crie le personnage dans le film.

Le monde décrit par L’Ombre d’un doute est vicié par le péché et l’imperfection. Le film peut se lire comme un parcours initiatique qui amènera l’héroïne à comprendre la réalité même des choses, à explorer l’aspect obscur des hommes, et à s’en protéger quitte à tuer. Pourtant, au début du film, la jeune Charlie semble être le symbole de la pureté. Mais en côtoyant son oncle, sa vision naïve et sentimentale de la vie s’estompe, elle perd progressivement son innocence et ses idéaux. Au début contrepoint positif de l’oncle, son évolution figure une compréhension plus juste du monde.

L’Ombre d’un doute
est un film réussi, sombre et dense. C’est une belle métaphore de la dualité des êtres et du bien qui côtoie le mal. « Un jugement moral est porté dans le film. Cela revient à dire que tous les méchants ne sont pas noirs et que tous les héros ne sont pas blancs. Il y a des gris partout. » (Hitchcock in Hitchcock – Truffaut, édition Definitive, p 126).

Titre original : Shadow of a Doubt

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Durée : 108 mn


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