Livre « L’invention d’un genre : le cinéma fantastique français »

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Le cinéma fantastique signe son grand retour, fort d’une programmation exceptionnelle à la Cinémathèque française, avec la rétrospective qui lui est consacrée, ainsi que celle du maître incontesté qu’est Georges Franju dont « Les Yeux sans visages » fait encore frémir à chacune de ses projections. Cependant, il est difficile de cataloguer le genre dit « fantastique » tant il renferme bien souvent d’autres sous-genres comme le fantasmagorique, l’horreur, ou encore l’onirique.

Il faut reconnaître que ces dernières décennies, hormis quelques exceptions rares, le cinéma fantastique français était loin de pouvoir rivaliser avec les réalisateurs américains et asiatiques qui, pour beaucoup, étaient les seuls à pouvoir le transcender et le mener à la perfection sans pour autant sombrer dans une forme de cheap, adjectif très souvent attribué aux réalisations françaises.

Si le cinéma contemporain de l’hexagone montre une certaine faiblesse lors de son incursion dans le fantastique, il ne faut cependant pas oublier que le cinéma français est auréolé par de nombreux grands films et réalisateurs ; pour n’en citer que quelques uns : Cocteau avec La Belle et la Bête ou Le Sang d’un poète, tout comme, déjà cité ci-dessus, Franju. Ils ont par leur nombreux films marqué le genre. Mais c’est aussi des réalisateurs moins connus comme Maurice Tourneur (père de Jacques Tourneur) avec La Main du diable (à qui Bertrand Tavernier rend un glorieux hommage dans son film Laissez-passer sorti en 2001) qui ont prouvé une certaine excellence à la française dans la mise en scène du genre à l’écran. Beaucoup de réalisateurs ont aussi fait irruption au sein de ce genre, comme Jean-Luc Godard avec Alphaville. Mais souvent, ces brefs voyages ont été mal reçus par le public et la critique. Même si le genre à décliné depuis la fin de la guerre, les nouveaux événements mis en place redonnent au fantastique français toutes ses lettres de noblesse.

Ces rétrospectives sont aussi auréolées par la sortie de deux livres fondamentaux pour le cinéma fantastique français. Publiés par L’Harmattan sous la direction de Frédéric Gimello-Mesplomb, ils défrichent les bas-fonds historiques du genre afin de le remettre en avant. Le premier  ouvrage intitulé L’invention d’un genre : le cinéma fantastique français ou les constructions sociales d’un objet de la cinéphilie ordinaire s’évertue dans un domaine purement historico-esthétique à expliquer l’ampleur et toutes les retombées sociologiques du fantastique. Dans ce premier livre, les auteurs retracent l’invention de ce genre mais aussi les enjeux socio-économiques en expliquant les rapports étroits et les échanges critiques entre la France et les Etats-Unis.
Ils soulignent également la création de revues telles que L’Ecran fantastique ou encore les différents festivals de films de genre, comme Avoriaz ou Gérardmer par exemple, qui donnent une légitimité au genre chez nous.

Ce livre dresse un panorama complet, de la production au public en passant par la critique, d’un genre parfois sous-estimé. Celui-ci est d’ailleurs doublé avec Les cinéastes français à l’épreuve du genre fantastique, socioanalyse d’une production artistique toujours sous la direction de Frédéric Gimello-Mesplomb. Dans cet ouvrage, les auteurs refléchissent le cinéma fantastique français non plus sous une forme théorique ou encore esthétique mais tracent un schéma des différents thèmes qui sont lui proches, comme les corps (les docteurs fous, le diable ou encore le double). Les auteurs analysent différentes oeuvres de cinéastes, comme Orphée de Jean Cocteau ou Le Locataire de Roman Polanski, afin de comprendre le processus de création des différentes époques et différentes esthétiques qui ont pu voir le jour au sein de ce même courant.

Si les deux livres, au premier abord, peuvent rebuter par leurs aspects universitaires, leur lecture permettra à tous les intéressés de bien comprendre la portée et l’importance du cinéma fantastique français. Même si les ouvrages peuvent être pris pour des entités séparées, il faut pourtant conseiller la lecture des deux tomes, car plus qu’une suite d’analyses intertextuelles d’oeuvres ou de thèmes, la complémentarité de ces deux livres dessinent une histoire complète du genre.

Si le cinéma fantastique français à longtemps été le vilain petit canard des genres tant chéris par la France, les évènements et les parutions de ce mois d’avril inscrivent ce genre parmis les plus fastueux de la cinématographie française. En dépit du petit -arrière goût de déception laissé par les dernières oeuvres, les rétrospectives et toute l’histoire du genre montrent bien que la France possède de sérieux atouts pour faire la part belle au marché dominé par les américains et les asiatiques.


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