Livre « Les imaginaires cinématographiques de la menace », de Nadine Boudou.

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Quand l’écran de cinéma nous confronte à nos peurs.

Livre « Les imaginaires cinématographiques de la menace. Émergence du héros postmoderne », de Nadine Boudou.
L’ouvrage de Nadine Boudou, de même que sa réflexion, est bien structuré et tout à fait abordable. Il est apprentissage et partage, à la fois grâce à l’écriture, fluide et jamais pénible, mais aussi parce que, tout au long de la lecture, on a vraiment l’impression de contribuer à ses analyses. Peut-être aussi parce que c’est de nous, spectateurs, dont elle scrute minutieusement le comportement et les peurs. Des peurs issues de toute une société et largement alimentées par les médias. Fiction n’étant pas vérité, le cinéma, puits d’imaginaire, va chercher dans le réel ce qui va l’alimenter mais pas ce qui va le faire exister : c’est l’exactitude mêlée à la légende qui lui permet de subsister. Rien ne sert de crier au sacrilège, donc, dès lors qu’un film n’est pas aussi proche de la réalité que la réalité elle-même. Qu’il l’adapte ou qu’il s’en inspire, ces verbes-là veulent tout dire : la réalité n’a toujours servi que de base et de prétexte au cinéma.Quatre parties bien distinctes.

Dans un premier temps, Nadine Boudou s’intéresse à la manière dont le cinéma intervient comme moyen d’expression d’une époque et d’un contexte donnés et de quelle manière (selon des cas différents) il retranscrit des évènements à la fois historiques et tragiques. Elle parcourt l’histoire du cinéma à travers l’analyse de plusieurs théoriciens. Ainsi, elle évoque la violence des propos de critiques comme Adorno et Horkheimer, à propos du cinéma comme industrie de masse qui fait de son spectateur un être soumis et abruti. On entend d’ailleurs toujours aujourd’hui ce genre de propos, beaucoup moins par rapport au cinéma qu’à la télévision. L’auteur mentionne ensuite les études de Walter Benjamin qui, lui, réfléchit au caractère d’exposition du cinéma, qui désacralise alors certaines valeurs, à la fois par rapport à l’art et aux évènements de la réalité. Il insiste sur la manière dont l’Homme est lié à l’expérience cinématographique par une série de mécanismes. Pour lui, le cinéma comme art de masse se transforme en art populaire, où la masse constituée par le peuple peut s’identifier aux images. Nadine Boudou avance dans le temps et s’intéresse à Siegfried Kracauer dont les idées défendent le fait que le cinéma est un moyen de démonstration d’un état d’esprit, d’une mentalité d’une nation à une époque donnée. Le cinéma comme écho de la société, changeante, en constante mutation. Elle analyse ensuite l’idée de participation affective conceptualisée par Edgar Morin, avec les notions de projection, d’identification et les points communs entre cinéma et vie réelle. Dans un paragraphe captivant, elle évoque les théories d’Henri-Pierre Jeudy et le désir de catastrophe inconscient chez l’Homme.

L’auteur poursuit en mettant en avant la notion de simulation, dont l’analyse est basée sur le corpus des trente films. Par le cinéma, l’évènement dramatique devient-il une sorte de spectacle ? Dans une troisième partie, elle s’intéresse à l’émergence d’un nouveau type de héros, auquel le spectateur serait amené à mieux pouvoir s’identifier. Plus qu’une réflexion, c’est un véritable état d’esprit que Nadine Boudou interroge ici. Enfin, la dernière partie est consacrée aux données relevées après l’analyse de questionnaires proposés à 100 élèves de classes de terminale de plusieurs lycées de l’Hérault. Son objectif est de mieux cerner leur manière d’appréhender à la fois le cinéma et les menaces qui découlent de la société actuelle. Dans ce chapitre où l’auteur analyse la réception des films par un public de lycéens, elle note que « la possibilité d’un choix diversifié de supports pour visionner des films ne mène pas pour autant à la désertion des salles de cinéma. Le plaisir que procure cette pratique culturelle réside dans la participation collective à un spectacle qu’elle rend possible » (1). Voilà qui donne encore un peu d’espoir. Un autre paragraphe, passionnant, évoque la bande annonce et l’aspect attractif qu’elle peut avoir sur les jeunes qui vont ensuite se rendre au cinéma. La bande annonce joue parfaitement son rôle sur ce type de public, celui d’éveiller la curiosité. C’est intéressant de voir la manière dont Nadine Boudou décortique les motivations, le comportement et les goûts des jeunes par rapport au cinéma, qui répond à différentes nécessités : le besoin de distraction, d’évasion, mais aussi celui de compréhension d’une certaine réalité sociale que le septième art tente de retranscrire.

À vous, désormais de découvrir cet ouvrage qui explore les différentes peurs et menaces, de la crise économique au réchauffement climatique, en nous faisant part de la triste constatation que l’Homme court à sa propre perte, et que ce n’est pas le cinéma qui va lui donner la solution.

Nadine Boudou, Les imaginaires cinématographiques de la menace. Émergence du héros postmoderne, coll. Logiques sociales, L’Harmattan, 2013, 270 pages.

(1) Nadine Boudou, opus cité, p.189


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