Les Jours venus

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Film roublard sur le petit monde du cinéma et des artistes parisiens.

La démarche a beau être sympathique, on s’aperçoit hélas parfois qu’il ne suffit pas d’avoir des souvenirs et de bonnes intentions pour faire un bon film. C’est le cas des Jours venus, du cinéaste Romain Goupil, né dans la Cité des artistes de la rue Ordener (Paris, XVIIIe), comme son père avant lui car son grand-père, chansonnier très connu de la Butte, s’y était installé à sa création en 1930. Ah, les dynasties d’artistes dans notre pays… Ici, Romain Goupil nous raconte sa vie suite à l’échec de la réalisation de La défaite dépasse toutes nos espérances en 2011. Le grand-père de Romain, très malin, avait été surnommé le « goupil » : le réalisateur en a fait son pseudonyme, ce n’est pas pour rien. Le cinéma de Romain Goupil est en effet un cinéma de roublard, pourtant longtemps qualifié de cinéaste engagé pour avoir milité à la Ligue révolutionnaire d’Alain Krivine dès 1969, d’ailleurs adoubé par Jean-Luc Godard ; et aussi pour avoir réalisé un film sur la mort de son ami Michel Recanati (Mourir à trente ans) qui a marqué les esprits lors de sa sortie en 1982.

Après bien des films dits militants, des aventures extra-conjugales (notamment lors de la guerre à Sarajevo) et qu’il raconte ici, Romain Goupil passe aux souvenirs. Car vient un temps où, vers la soixantaine, il faut penser aux souvenirs ou à la mort. C’est la société, vos propres enfants et la vie qui passe comme un fleuve impitoyable qui vous y entraînent. Ce dernier opus pourrait donc ressembler à un film testamentaire, une sorte d’Amarcord parisien : il n’en est rien tant le parti pris reste très flou. Hésitant entre la comédie germanopratine, le marivaudage, les restes de militantisme (qui en a conduit certains à des postes clés comme Serge July, ou encore Dany Cohn-Bendit qui fait d’ailleurs une apparition « amicale » dans Les jours venus…), ce qui aurait pu composer un film émouvant et sincère devient une sorte d’auberge espagnole où le réalisateur mélange ses souvenirs personnels (avec images d’archives sur sa nouvelle famille bosniaque) et une fiction qui se base trop sur le copinage. A l’inverse d’un Jean-Pierre Mocky, toujours aussi vache et enragé, le cinéma de Romain Goupil est étrangement consensuel et fade. Certes les banques nous étranglent mais leurs représentantes sont jolies et révoltées comme Valeria Bruni Tedeschi, et on peut s’en faire une maîtresse ; la productrice n’est pas si féroce que ça, même si, à la fin et sous les traits d’une Noémie Lvovsky transformée en mégère, elle s’énerve un peu contre le réalisateur qui ne sait pas se servir de sa Louma à 3.000.

 

Le cinéma est soit documentaire, soit fictionnel. Rares furent les réalisateurs à mêler les deux plans comme fut le cas pour Fellini avec Intervista (1987) notamment, mais le réalisateur était un grand baroque – c’est loin d’être le cas pour Romain Goupil. L’intrusion du réel dans le film, qui aurait pu être émouvant sur le plan fictionnel, le rend paradoxalement anecdotique. La gageure, au départ intéressante, de mêler vie privée et scénario tourne vite court si bien qu’on en vient à flairer le « coup » et le « copinage » en reconnaissant au passage des acteurs très en vue dans le Gotha du cinéma français comme Mathieu Amalric ou Arnaud Desplechin, et des apparitions de circonstances comme Marion Scali ou Laurent Cotillard. On a d’ailleurs l’étrange sentiment de se sentir exclu du film en tant que spectateur, un comble pour du militantisme ! Pourtant, des moments de pur cinéma émergent ça et là, telles les obsèques du réalisateur à la fin du film ; ou la séquence au café avec les caractères effacés sur la vitrine très Nouvelle Vague ; ou encore le piano qui, à plusieurs reprises, tombe du dernier étage, idée un peu piquée au premier film de Valeria, Il est plus facile pour un chameau…
 

Titre original : Les Jours venus

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Durée : 90 mn


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