Le Mas des alouettes

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Couple cinématographique assez unique dans l´histoire du 7ème art, les frères Taviani ont décrit, de films documentaires en Palme d´or (Padre Padrone, 1977), plus de quarante ans de transformation de la société italienne. En adaptant librement le roman éponyme d´Antonia Arslan, les cinéastes mettent leurs expériences au service d´un des drames les plus douloureux et […]

Couple cinématographique assez unique dans l´histoire du 7ème art, les frères Taviani ont décrit, de films documentaires en Palme d´or (Padre Padrone, 1977), plus de quarante ans de transformation de la société italienne. En adaptant librement le roman éponyme d´Antonia Arslan, les cinéastes mettent leurs expériences au service d´un des drames les plus douloureux et prégnants du 20ème siècle : le génocide arménien.

De 1915 à 1917, le gouvernement Jeunes Turcs (parti politique nationaliste et révolutionnaire réformateur) de l´Empire Ottoman met en place une politique de déportation et d´extermination des arméniens de l´Empire (on estime aujourd´hui à 1,5 millions le nombre de victimes du génocide). A l´heure politique d´une ouverture de négociations pour l´entrée de la Turquie au sein de l´Union Européenne, Le Mas des alouettes des frères Taviani, tente de nous interpeller sur cette sombre page de l´histoire des hommes. Malgré la << négation institutionnelle >> des autorités turques devant la responsabilité de l´ancien Empire Ottoman, l´existence d´une oeuvre cinématographique osant relater ces faits, fut-elle médiocre, mérite amplement notre reconnaissance.

Dotée d´une thématique inattaquable, l´entreprise s´avère pourtant désastreuse. En effet, jamais le film n´arrive à prendre la mesure historique, symbolique et surtout humaine d´un tel crime contre l´humanité ; jamais il ne nous informe sur l´origine de cette barbarie, ne nous implique politiquement au coeur d´un régime capable de planifier la mort et ne nous entraîne, par le biais de cette famille arménienne, dans l´imminence du drame.

L´appropriation narrative est à ce titre sans équivoque. En décontextualisant considérablement les enjeux historiques et politiques du génocide, les réalisateurs confinent le poids d´une atrocité dans des espaces-temps en vase clos qui surexposent l´émotivité censée nous atteindre. L´unité du temps scénique se désolidarise du temps historique, façonnant une peinture qui tourne en rond pour survoler un sujet qui ne peut supporter la séparation de ces deux dimensions. Cette maladresse d´écriture cinématographique s´affirme dans la découpe factuelle du drame autour d´une cellule familiale arménienne. Loin de toutes contingences extérieures, nous assistons à un travail de représentation, certes nécessaire, mais beaucoup trop démonstratif car sans perspective véritable.

C´est donc par cet unique regard que nous envisageons la tragédie arménienne. Si quelques plans arrivent à nous toucher, l´étroitesse du cadre empêche la symbolique de réellement opérer. Sans perspective, la composition n´est rien ! Incapable d´englober les membres de la famille dans le chaos d´une Europe en guerre, les frères Taviani se trouvent désarmés cinématographiquement et tombent malheureusement dans le pire des travers : l´utilisation à outrance du pathos. Surlignant chaque relation, propos ou comportement, le film s´engonce littéralement dans une mise en scène ampoulée qui passe à côté de son sujet. Sorte de théâtre filmé, lent et désynchronisé, Le Mas des alouettes minimise le génocide par dispersions scénaristique parfois tristement risibles (scène du massacre avec ralentis et effets kitch ratés, relation entre Nunik et le soldat turc Youssouf, scène de la pomme…).

Si quelques feux de paille sont lancés (histoire d´amour entre Nunik et le soldat turc Egon, invitation de l´épouse du colonel Arkan par la famille Avakian, scène où les enfants s´en prennent à Nunik pour avoir du pain), ils ne peuvent sauver le film du simple fait d´arme : avoir osé parler d´un tel sujet !

C´est d´autant plus regrettable que les frères Taviani ont montré par le passé leur talent d´observateurs politico-historiques du monde moderne.

Titre original : Le Mas des alouettes

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Durée : 118 mn


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