Le Fils de Jean

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Un voyage nourri de trop bonnes intentions.

Mathieu, qui n’a jamais connu son père naturel, reçoit un message téléphonique du Canada lui annonçant le décès de ce dernier. Le jeune homme décide alors de se rendre à son enterrement et de rencontrer, par la même occasion, ses deux « nouveaux frères ». Librement inspiré de Si ce livre pouvait me rapprocher de toi (1999) de Jean-Paul Dubois, Philippe Lioret renoue avec Le Fils de Jean avec les portraits bienveillants et pleins de tendresse que le réalisateur aime à porter sur des individus simples et sans histoires qui peuplent notre quotidien. À l’instar de Simon dans Welcome (2009), Mathieu, qui appartient à la classe moyenne, se caractérise par son humilité, sa discrétion et son sens des responsabilités. Les premières scènes du film, sobres et concises, exposent parfaitement le contexte familial et professionnel du personnage. Père séparé, respectueux de son ex-compagne et proche de son enfant, Mathieu est un acheteur dans la grande distribution au profil très éloigné du stéréotype du jeune cadre dynamique.

Alors que le récit nous transporte de la France au Canada, le regard de Philippe Lioret privilégie systématiquement l’humain aux décors. Les deux villes, Paris et Montréal, restent confinées dans un arrière-plan peu éclairé, et apparaissent froides et impersonnelles. Si la nature occupe une place plus importante dans Le Fils de Jean, la photographie qui lui rend hommage évite cependant l’écueil du cartepostalisme. De même, lorsque les personnages sont confrontés à l’immensité des espaces, la caméra limite les nécessaires plans panoramiques, préférant se recentrer sur les rapports de force s’instaurant entre les hommes. La mise en scène multiplie ainsi les situations de confinement dans lesquelles les protagonistes ne peuvent pas échapper au questionnement et à la pression de leur entourage.

 

 
 
Confronté à l’hostilité et au rejet parfois violent de sa nouvelle famille, Mathieu va néanmoins révéler tout son courage et son abnégation. On retrouve ici les valeurs humaines et les messages d’espoir qui nourrissent l’œuvre de Philippe Lioret. Pierre Deladonchamps s’inscrit dans la continuité d’un Vincent Lindon, en campant avec sensibilité et conviction ce personnage décidé et droit qui souhaite assumer ses responsabilités. Même si Mathieu est un personnage linéaire et sans ambiguïtés, l’interprétation toute en sobriété de Deladonchamps nous préserve de la caricature, ce qui n’est malheureusement pas le cas des autres protagonistes. À commencer par les deux frères canadiens : Sam (Pierre-Yves Cardinal) est un ex-champion de moto foncièrement vulgaire et violent, tandis que Ben (Patrick Hivon), son aîné, est un brillant avocat qui ne raisonne qu’en terme de rentabilité. Quant à Pierre (Gabriel Arcand), l’ami du père de Jean, c’est un sexagénaire qui se pare d’une froideur et d’une rudesse lui évitant toute relation affective. Cependant, l’homme brise progressivement sa carapace et laisse enfin exprimer sa sensibilité.

Philippe Lioret se complaît dans un manichéisme assez désarmant en multipliant les représentations binaires. Les femmes incarnent la sagesse, le dévouement et l’hospitalité alors que les hommes apparaissent immatures, foncièrement égoïstes et peu accueillants envers les étrangers. Pour construire son existence, l’homme a le choix entre deux directions opposées, d’un côté celle de la sagesse qu’emprunte l’homme qui cherche à s’épanouir, de l’autre, la voie de la déraison tracée par celui qui place l’ascension sociale au-dessus de tout. « L’argent, ça rend dingue », sermonne Pierre à Mathieu. À trop vouloir faire triompher la bonté, l’aptitude au pardon et l’espoir, les dernières parties du film n’en finissent plus de souligner ces valeurs. Les revirements scénaristiques, plus que prévisibles, prennent une tournure didactique. De même, la naïveté des dialogues, les longs et nombreux plans serrés sur les regards pétris de tendresse cherchent à imposer l’émotion plutôt qu’à la susciter. Si Le Fils de Jean repose sur des intentions louables et sincères, ce dernier film de Philippe Lioret ne parvient pas cependant à éviter l’écueil de la démonstration.

Titre original : Le Fils de Jean

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Durée : 108 mn


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