Le Corps sauvage

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Le thème de la chasse abordé d’une manière quasi panthéiste.

Une réalisatrice à contre-courant

Les films de Cheyenne-Marie Carron, toujours très attendus, ne déçoivent jamais, tant par leur sujet, leur originalité que par leur pugnacité. Le corps sauvage ne fait pas exception à la règle et on y reconnaît bien son esprit rebelle qui, en ces temps de vegan, de bio et de protection des animaux, nage à contre-courant comme elle a toujours su le faire en nous proposant une sorte d’éloge à la chasse. Il fallait oser, et ce n’est sans doute pas étonnant qu’elle ne fasse pas l’unanimité lorsqu’elle demande l’aide à projet au CNC qui est pourtant censé aider le cinéma, même expérimental. Après avoir traité des sujets sulfureux comme sa propre histoire d’enfant adopté, le racisme anti-Blanc, la religion musulmane, l’intégrisme ou encore l’armée et la région étrangère, voici son dixième long métrage qui traite sans aucun état d’âme de la chasse en mettant en scène une belle Diane, interprétée par une actrice talentueuse, Nina Klinkhamer, dont on retiendra le nom comme celui de Mélanie Thierry qui joua à ses débuts dans Ecorchés en 2005, ou Swann Arlaud que Cheyenne-Marie Carron a dirigé dans Ne nous soumets pas à la tentation en 2011.

La beauté de la nature et du cosmos

Ce qui frappe les esprits et les yeux en premier lieu dans ce film inspiré, c’est la beauté plastique des images. On dirait que le style de Cheyenne-Marie Carron s’affirme un peu plus à chaque fois et, ici, elle décrit la nature dans toute sa puissance, nous proposant une sorte d’ode presque animiste à dame Nature dans ses excès et sa douceur. Diane, à la recherche d’absolu, s’installe chez son vieux grand-père, malade et souffrant, qui va lui faire découvrir la magie de la chasse, et son monde inconnu qui est fait surtout de traditions ancestrales. C’est dans cet écrin de forêts, où la réalisatrice filme presque mieux que Terrence Malick la canopée, que se fera la rencontre avec les animaux. Diane récemment convertie à la chasse à l’arc devient presque un personnage de légende, notamment dans la scène d’introduction du film où, parée de son carquois, la jeune chasseuse priant dans une église va voir entrer un cerf qui sert un peu de ponctuation au film. « Aborder le thème de la chasse, c’est toucher celui du sauvage, de l’instinct, du rapport à la mort, à la vie, mais, pour mon personnage principal, Diane, c’est aussi développer le sujet de notre relation charnelle à la Nature, déclare Cheyenne-Marie Carron dans le dossier de presse du film. Une relation au cosmos et, finalement, à la beauté qui s’en dégage. »

Une des figures du Christ

La présence de ce cerf n’est sans doute pas innocente puisque le cerf, symbole du Christ, apparaît dans la vie des saints tels que saint Patrick, sainte Hélidie, dite Alyre, sainte Begge ou Julien l’Hospitalier. Il contribue à faire de Diane un personnage à la recherche de la pureté et de la foi, à travers ses doutes et toutes les épreuves que la vie lui inflige, dont la dernière qui est celle de la mort de son grand-père. Le film est d’ailleurs écrit en mémoire de sa marraine qui s’est suicidée. Cheyenne-Marie Carron s’en explique dans le dossier de presse : « Elle avait rompu l’ordre des choses. J’écrivais mon scénario sur la chasse, et je lui dédiais ce film. Le sauvage, la mort, le suicide. Mais aussi la grâce, la beauté, la féminité… j’y ai tout mis. Tout pour elle. Ce thème de la chasse, je m’en suis aussi emparé par nécessité. La chasse, comme l’amour, sont anciens comme le monde et rompre avec l’un ou l’autre, c’est rompre la filiation aux premiers hommes, c’est rompre avec une partie de nous-mêmes. »

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Durée : 105 mn


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