Largo Winch

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Le revival des adaptations de comics agitant Hollywood depuis presque 10 ans (avec le « X-Men » de Bryan Singer et le « Blade » de Stephen Norrington), ne semblait pas encore avoir eu d´échos favorables en France, terre pourtant riche en succès potentiels, avec tout ce qu’elle compte de fleurons de la bd francobelge.

Pourtant, jusqu’ici les tentatives n’avaient guère été concluantes, soit totalement hors sujet (le Blueberry de Kounen), soit fidèle à l’esprit originel mais complètement ratées (la plupart des Astérix, Iznogoud), ou simplement consternantes (Les Daltons, Michel Vaillant). On était donc en droit de se demander si la possibilité existait réellement de mener à bien une production de genre d’envergure en France, la dernière tentative plutôt réussie (Le Pacte Des Loups, de Christophe Gans), n’ayant pas connu de suite réellement convaincante, bien que 2008, avec le diptyque Mesrine et le très bon Go Fast, semble quelque peu changer la donne (ainsi que les plus anciens Le Convoyeur, voire OSS 117).

Cette adaptation du best seller de Jean Van Hamme semble répondre à toutes ces questions tant, malgré quelques petits défauts, elle semble se poser en mètre étalon du blockbuster d’action à la française enfin réussi.
On peut constater l’influence énorme de Van Hamme sur les réussites US actuelles (notamment les emprunts entre XIII et les Bourne), et dans la structure du scénario de Largo Winch, très fidèle à la bd et qui dans sa première heure n’est rien de moins qu’un décalque du Batman Begins (de Christopher Nolan), avec quasiment la même introduction du héros, égaré dans un coin perdu à l’étranger et se retrouvant jeté en prison. Goyer ayant officieusement participé à la médiocre série TV Largo Winch, on peut supposer qu’il a consulté l’œuvre originale et en a nourri son script pour le film de Nolan, ayant depuis servi de modèle pour relancer plusieurs franchises en difficultés (James Bond avec Casino Royale et le futur Star Trek), c’est donc un juste retour des choses.

Le film navigue habilement entre pure intrigue de thriller industriel et parcours initiatique, ces deux aspects trouvant leur illustration parfaite dans les deux principaux cadres de l’action du film, le décor urbain glacé de Hong Kong, que Salle excelle à illustrer (qualité déjà appréciable dans son Anthony Zimmer), et les paysages naturels splendide de Croatie, symbole du questionnement intérieur de Largo. Le récit alterne les va et viens entre passé et présent, où l’on découvre progressivement la personnalité perturbée de Largo à travers sa relation complexe avec son père, son manque de repères face à ses origines troubles et le refus de son héritage. Une des très belles idées (et une différence majeure avec la bande dessinée), étant de faire de Largo un personnage extérieur et métissé, accentuant ainsi encore la différence entre lui et les cols blanc du système, ne pouvant l’accepter comme l’un des leurs. Ce n’est que lorsqu’il sera menacé de tout perdre que Largo ira au devant de son destin, devenant ce que son père avait vu en lui dès sa petite enfance, son évolution étant remarquablement amenée. Tomer Sisley s’avère d’ailleurs une sacrée révélation : même s’il avait déjà témoigné d’un certain charisme dans Truands, on ne lui supposait pas une telle présence. Fort et fragile à la fois, doux rêveur mais déterminé, il retranscrit à merveille toute la complexité de Largo, et s’avère être un héros viril des plus crédibles (espèce un peu disparue depuis la semi-retraite de Bebel et Delon). Le reste du casting est à l’avenant avec, notamment, une excellente Kristin Scott Thomas froide et ambitieuse, Gilbert Melki en homme de main attachant et surtout Mélanie Thierry fascinante en Mata Hari du capital faussement intéressée – on aurait aimé la voir davantage encore…

       

Malgré son intrigue hitchcockienne poussive, Anthony Zimmer avait révélé une belle maîtrise de la part de Jérôme Salle, confirmée ici par un scénario nettement plus consistant. Maîtrise du cadre de tout les instants, belle exploitation de ses décors, bien aidée par la photo splendide de Denis Rouden, le score d’Alexandre Desplat mettant le tout parfaitement en valeur. On pourra cependant reprocher une certaine timidité dans les scènes d’actions, efficaces mais finalement peu impressionnantes (vue la qualité du reste on s’attendait logiquement à en prendre plein la vue), malgré un beau mano à mano sur le toit d’une tour. Et on appréciera tout de même d’avoir assisté à quelques morceaux de bravoures lisibles, en opposition à la « shaky cam » en vogue actuellement (voir la bouillie de certains instants du dernier Bond). Un trop plein de rebondissements et de révélations lors du final (tous très bien amenés mais trop concentrés), atténue quelque peu également la force du film. Une jolie réussite tout de même, prometteuse pour la suite (en cas de succès) si le travail est aussi soigné. La conclusion elle-même est idéale, offrant un Largo enfin en paix avec lui-même.

Titre original : Largo Winch

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