L’agneau

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Mené avec minutie, le film raconte le combat d’un prêtre pour son honneur.

Un cinéma de combat

Pour son seizième long-métrage, Cheyenne-Marie Carron nous surprend encore. Déjà par son courage et son engagement si particuliers, elle qui parvient à écrire, tourner et produire un film tous les deux ans environ sans budget, sans reconnaissance des institutions du cinéma, ce qui est déjà assez étonnant concernant une jeune fille qui a un réel talent artistique et des tas de choses à dire, comme si on pensait pouvoir ainsi la museler. C’est mal la connaître et c’est pour tout cela qu’il faut continuer à la soutenir et que ce ne soit pas toujours les filles et fils de qui puissent s’exprimer et faire des films dans ce pays de plus en plus inégalitaire. Des choses à dire, elle en a. On l’a vu déjà quand elle avait abordé déjà son cas, celui des enfants recueillis par des familles d’accueil (La fille publique en 2013), mais aussi le problème de la foi au sein de la Légion étrangère (Je m’abandonne à toi en 2023), mais aussi les femmes dont les maris sont envoyés aux combats (Le soleil reviendra en 2020), tout comme celui de la foi musulmane (L’apôtre en 2014) ou encore l’assassinat du père Hamel par des terroristes (Que notre joie demeure en 2024), tous ces faits de société et au-delà, souvent très philosophiques et éthiques, que peu de gens n’osent aborder. 

 

 

 

 

 

Prêtre accusé à tort

Ici, elle va à contre-pied de ce qui se dénonce depuis quelques années, et souvent avec beaucoup de légèreté : les prêtres qui abusent sexuellement de leurs ouailles, souvent mineures, ainsi que l’aborda avec un certain brio toutefois François Ozon dans son film Grâce à Dieu en 2018. Mais ici, le prêtre accusé d’avoir eu des attouchements envers une jeune femme que sa mère lui avait confiée pour un enseignement de catéchisme adulte, est innocent. On la reconnaît bien ici notre réalisatrice, toujours à vouloir combattre les injustices, si bien que Cheyenne-Marie Carron pourrait être qualifiée de Jeanne d’Arc de la pellicule. Cependant, et pour éviter toute attaque pour la discréditer, elle n’est pas réactionnaire. Son film peut s’inscrire sans peine dans la mouvance #Metoo mais un #Metoo débarrassé de ses idéologies et qui n’aurait d’autre préoccupation que de rechercher la vérité et non de se substituer à la justice qui, malheureusement pour nous, est hélas bien poussive et souvent bien injuste sans pléonasme… « #Metoo est un mouvement inespéré, utile et libérateur, déclare-t-elle dans le dossier de presse du film. #Metoo donne la parole aux victimes d’abus, et il me semble que pour être complet et égalitaire, #Metoo doit également donner la parole aux hommes qui ont été accusés à tort d’abus. Même si je pense que ces accusations abusives sont bien inférieures aux accusations fondées, elles créent beaucoup de souffrance et c’est bien qu’un film évoque ce problème. »

Le cas Abbé Pierre

Filmé presque entièrement dans l’église des artistes, Saint-Roch à Paris, tout près de la Comédie Française, son film dépasse fort heureusement le cadre un peu étroit de #Metoo puisque cette histoire qui se déroule au sein de l’église catholique et les familles de ses ouailles, n’est ni un constat ni un pamphlet mais veut démontrer aussi ce que traverse maintenant la religion qui, de nos jours, est bien obligée de s’adapter parfois inutilement, parfois de façon maladroite au séculier, c’est-à-dire à l’évolution des mœurs et au constat qu’il est souvent difficile de taire ce qui doit apparaître au grand jour. On ne peut s’empêcher bien sûr de penser ici au cas de l’Abbé Pierre dont les médias avaient fait un saint et Cheyenne-Marie Carron s’en explique : « Je n’avais pas prévu ce qu’on allait découvrir sur L’Abbé Pierre. Mon scénario était écrit bien avant cela et la préparation du film lancée. Mais je l’ai tout de même évoqué dans le film. Les révélations sur l’Abbé Pierre ont été un choc pour moi. Mais ça n’enlève pas l’admiration que je porte au combat qu’il a mené pour les plus démunis. C’est juste qu’il faut du temps pour accepter qu’il n’était pas du tout le saint homme qu’il laissait paraître ou que l’église nous laissait croire. » Et pour ce qu’on peut en savoir d’ores et déjà, il n’est pas impossible que l’Église ait autant de mal à admettre qu’on puisse à la fois faire un film sur ce sujet, le mettre en lumière, tout en ayant l’intelligence de dire que, dans ce cas, l’accusation portée envers le père était abusive et inique. Ca arrive aussi. Le visuel ici : https://www.youtube.com/watch?v=Tu6Q7FTAwVQ

Sortie en salles le 24 avril 2025.

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Durée : 93 mn


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