Un postulat plus qu’une réelle histoire, que Marion Hänsel déroule, sans anicroche, avec une grande délicatesse. La Tendresse est un film très limpide, avec une mise en scène à l’avenant : si chaque scène n’est pas forcément la suite logique de celle qui la précède, le rythme est fluide et serein, grâce à une caméra posée et lente (de nombreux plans-séquences sont tournés en voiture sans que cela ne nuise à la trame) et des cadres très travaillés, aussi rigides qu’un scénario qui semble avoir été écrit plus comme un matériau autour duquel composer que comme un véritable squelette. Le film de Marion Hänsel se joue des conventions : il a été tourné en Cinémascope et en 35mm, une rareté aujourd’hui, et ne cède jamais à la facilité de l’action. Pas de drame, pas de revirement impétueux, simplement un film placide, un brin mélancolique, qui ne sacrifie pas aux codes d’un scénario mouvementé.
C’est sa joliesse ; c’est aussi sa limite nette quand il peine à s’élever au-delà de l’étude de caractères, aussi juste et minutieuse soit-elle. Dans une séquence, Marilyne Canto téléphone à son assurance afin de déterminer la manière dont le rapatriement de son fils va s’organiser : il a passé trop de temps en France, elle ne marche plus, la mère s’emporte – c’est finement observé et ça sent le vécu, c’est pourtant l’un des moments les plus trépidants du film, qui s’enlise parfois dans son amour des gens « normaux » et des petites choses du quotidien. La Tendresse est cependant grandement aidé par ses interprètes, Olivier Gourmet et Marilyne Canto, tous deux dans un registre en sourdine qui leur sied parfaitement : ils savent jouer les regards en coin, les souvenirs qui remontent d’un coup sans qu’on ose vraiment en parler, la joie surtout d’avoir eu un enfant ensemble. C’est grâce à lui que le voyage est rendu possible, que la lassitude quotidienne vient trouver un répit le temps de quelques jours. À la fin, ils rentrent chez eux, la lumière s’éteint, et le film s’évanouit sans un bruit.