La León

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Au milieu d´un large fleuve, on avance lentement. Les grands arbres se penchent des deux côtés et forment une arche qui replie le cadre sur lui-même. Devant nous, l´eau est tranquille : aucun bruit aucune musique ne perturbe cette paix absolue. L´ouverture du premier long métrage de Santiago Otheguy nous plonge dès le départ dans […]

Au milieu d´un large fleuve, on avance lentement. Les grands arbres se penchent des deux côtés et forment une arche qui replie le cadre sur lui-même. Devant nous, l´eau est tranquille : aucun bruit aucune musique ne perturbe cette paix absolue.

L´ouverture du premier long métrage de Santiago Otheguy nous plonge dès le départ dans un état de demi-veille, propice à la réflexion, nous berçant en caméra subjective au milieu d´un décor quasi abstrait (l´immense delta d´un fleuve), dont l´impressionnante étrangeté est renforcée par le choix du noir et blanc. Les êtres humains qui y vivent, peu nombreux, font leur apparition peu à peu, lentement : tout, ici, se joue sur le rythme et l´attente. Dans ce dédale de rivières et de ruisseaux, le cinéaste commence alors à tisser une toile autour de deux hommes, que tout semble opposer. D´un coté Alvaro, aimant les livres, homosexuel, silencieux qui se déplace à bord d´un petit bateau, sans perturber la nature qui l´entoure. De l´autre << El Turu >>, homme autoritaire et fort, conducteur du bateau bus << La Léon >>, seul lien entre la communauté vivant dans le delta du fleuve et le reste du pays : on l´entend arriver avant de le voir par le bruit en off de son moteur.

L´habilité du cinéaste consiste à créer, à travers le montage, l´effet d´une lente poursuite entre les deux hommes, tout en les montrant séparément pour la plupart du temps. Electrons solitaires gravitant autour des << restes de vie >> qui résistent au milieu de l´eau, ils se croisent seulement à l´occasion d´un deuil dans l´unique bar ouvert, ou autour de la petite équipe de foot de l´île. À chaque rencontre le cinéaste fait monter la tension entre les deux. Ils se détestent mais ils ne peuvent pas s´éviter. La distance qu´ils essayent de mettre entre eux ne suffit jamais à les séparer définitivement. Le récit procède ainsi par montées très vives de tension interrompue par de longues errances parmi les eaux du fleuve, jusqu´à la résolution du conflit : imprévue, rapide, violente et assez surprenante…

Si la construction du récit ne manque donc pas d´intérêt, la limite de ce film se trouve à notre avis dans l´excès d´épuration : peu d´histoire, peu de mots, peu de tension, pour finalement pas grand-chose. Car ni la mise en scène, ni le rythme, ni les cadrages n´arrivent à donner un écho important aux errances solitaires et silencieuses de ces êtres, et ne parviennent à empêcher de percevoir ces scènes comme des << à-côté >> de l´histoire, dont la fonction reste ambiguë. Certes, les très beaux paysages traversés par Alvaro, accentuent la solitude de cet homme hors norme, qui se retrouve exclu contre son gré et dont la liberté théoriquement absolue est en réalité prise en otage par l´immense vide des espaces qu´il habite. Mais on n´est pas sûr que cela soit suffisant à tenir un film qui parfois tourne à vide, manque d´intérêt, perd de vue ses enjeux..

Mise à part une indubitable recherche dans la construction de certains plans, que reste-il donc après la vision de << La Léon >> ? Un vague sentiment d´inachèvement pour avoir assisté à la tentative de toucher à des thématiques très lourdes (l´homosexualité, la solitude, l´exclusion), sans parvenir à trouver l´étincelle pour allumer une pensée…

Titre original : La León

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Durée : 85 mn


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