Kyss Mig est tourné à l’appareil photo, sans doute au Canon 5D : du coup, c’est visuellement joli et lumineux. Que des plans fluides, une lumière sublimée de jour comme de nuit, Kyss Mig est aérien et solaire. Ça ne fait pas un film, et au bout du troisième rebondissement, répété à l’envi (Mia et Frida seront-elles ensemble, oui-non-oui-non-peut-être), l’intrigue finit par lasser. D’autant plus qu’à une trame carrément convenue s’ajoute toute une galerie de personnages sans reliefs et vus mille fois eux aussi : la belle-mère compréhensive qui se plie en quatre pour faire plaisir (c’est normal, sa fille a fait son coming-out il y a longtemps, elle a eu le temps d’intégrer), le père rustre mais aimant (il n’a pas très envie que la sienne soit lesbienne, mais bon, si elle est heureuse) et un petit ami qui veut bien écouter mais qu’il ne faudrait pas prendre pour un imbécile (Ah t’es lesbienne ? Je ne veux plus jamais te voir).
Rien de honteux dans Kyss Mig pourtant, qui se regarde sans déplaisir, notamment grâce au jeu raccord de ses comédiens, les deux actrices principales en tête, qui parviennent à occasionner quelques vraies rencontres (la séquence sur l’île est assez réussie). Mais il y a que le film arrive trop tard, convaincu de tenir un sujet coup de poing mais finalement mineur, qu’on a vu mieux exploité ailleurs. Dans Fucking Åmål justement ou My Summer of Love (Pawel Pawlikowski), qui disaient autrement les atermoiements amoureux et la quête d’identité d’adolescentes pas si mal dans leur peau. Il reste Lena Endre, actrice majeure, sorte de Nicole Garcia suédoise qu’on a vue chez Bergman (Les Meilleures intentions ou En présence d’un clown), et la musique de Marc Collin, terriblement lounge mais efficace, qui rend le film plus pop et finit de convaincre qu’il ne se prend pas tant que ça au sérieux. Kyss Mig a rencontré un énorme succès en Suède : pas étonnant, tant il ressemble parfois à une déclaration d’amour à son pays, patrimoine musical compris – le titre anglais du film, With Every Heartbeat, tire son nom de la chanson éponyme de Robyn qui rythme le générique de fin.