Il n’y a pas de rapport sexuel

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Un portrait de HPG accompagné d’une vision critique de la consommation pornographique contemporaine, par le plasticien et vidéaste Raphaël Siboni. Plus qu’un simple détournement d’images, le film met à jour les processus de construction d’une image pornographique et son interaction avec le réel.

Ça ne devrait même pas exister

« Il n’y a pas de rapports sexuels » disait Lacan, exprimant par cet aphorisme l’analogie entre toute relation amoureuse et une lutte entre deux êtres opposés, chacun en regard de l’autre. 

Dans le film de Siboni, le rapport est au singulier, comme pour dire « Circulez y’a rien à voir ». Paradoxe assumé puisque les premières images du film montrent une partie de jambes en l’air à plusieurs non simulée et totalement explicite. D’ailleurs comment pourrait-il en être autrement ? Comment évoquer les coulisses d’une production de films X sans montrer davantage qu’un bout de sein ou de fesse ?

Siboni évacue ces considérations de salon pour entrer dans le vif du sujet, tailler dans le coeur de cette matière colossale que HPG a accumulée depuis des années, le film étant construit à partir de making-of et des rushes issus des caméras présntes sur les plateaux du hardeur. Annoncé tel quel, il s’annonce comme une épreuve : une image épique pub intello-porno à la gloire de HPG, personnage parfois attachant, d’autre fois franchement énervant. Voire pire : une condamnation morale de la pornographie. Deux conformismes donc, certes opposés mais conformismes tout de même.
 

 

Heureusement, l’intérêt et la force d’Il n’y a pas de rapport sexuel résident ailleurs, dans la litanie de scènes de cul montées les unes à la suite des autres, dans des blocs successifs autonomes mais qui une fois assemblés par le montage cut et brutal de Siboni engendrent un film drôle, pathétique, dérangeant, qui nous touche d’autant plus qu’il met à jour notre propre consommation des images, qu’elles soient pornographiques ou non. A travers ce montage dépouillé, est donnée une présence à ces prolétaires de l’image qui passent, exhibent leur corps et disparaissent, donnant à voir ce moment disgracieux où les chairs se consument après l’acte. Ces longs faux plans-séquences forment autant une volonté d’élaborer un discours de vérité sur la construction d’une image pornographique qu’une référence au mode de consommation de cette même image de nos jours. Ces gros morceaux axés autour d’un personnage central – le jeune balieusard noir surnommé « Puceau », la grosse en mal de sexe pour ne citer qu’eux – répondent à ces segments de 25 minutes classés par catégories (brunette, ados, amateur etc…) dont sont constamment abreuvés les réseaux de diffusion, notamment ceux d’HPG lui-même et sa boite de production.
Le seul bémol est que cette lecture critique arrive un peu tard. Le film, pendant un long premier moment, peine à dépasser le statut de simple behind the scene et instaurer son logiciel critique. Cette partie, plus proche du détournement d’images, n’est pas inintéressante pour autant puisque donnant à voir des choses « interdites » comme ces plans où les futurs hardeurs présentent face à une caméra encore plus tremblante qu’eux leur carte d’identité attestant de leur majorité. 

« Bander même dans les situations les plus extrêmes »

La seconde partie du film serait comme le making-of de la première, une sorte de symétrique opposé où la main de Siboni se fait plus présente, où l’instrumentalisation des images est plus visible et pertinente. En gros, à partir du moment où le « réel » – notion plus que dangereuse en cinéma, surtout dans le X (cf.interview de HPG et Siboni) – fait son appatition. Comment ? Sûrement par la mise au second plan des ébats sexuels, un porno plus brut et direct, moins travaillé (HPG élabore de moins en moins les « scénarios ») et surtout l’arrivée assez inattendue sur la hauteur mentale et morale des gens, HPG compris. Pas de jugement de valeur pour autant, HPG restant un personnage fascinant et talentueux, en constante représentation : un coup rassurant, un coup menaçant. A un moment, il joue le grand nabab du X très expérimenté, à un autre, il mise sur le fantasme d’une solidarité prolétaro-virile imaginaire entre lui et Le Puceau pour l’amener à tourner plus de scènes.
 

Raphaël Siboni réussit là un coup de force et livre une oeuvre protéiforme entre le détournement de making-of et le documentaire en immersion. Hilarant, triste, dérangeant, Il n’y a pas de rapport sexuel est tout ça à la fois. Il est surtout dépourvu de volonté de juger et ouvre un nouveau champ des possibles quant à la lecture et l’analyse de ce type d’images, bannies des discours critiques malgré leur omniprésence. Très contemporain dans sa démarche et dans ce qu’il nous dit sur notre désir quasi-libidineux d’images, Siboni pose à coup sûr l’entrée du porno dans nos vies comme d’un objet de reflexion légitime.
 

Titre original : Il n'y a pas de rapport sexuel

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Durée : 78 mn


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