Véritable film « alien », How to talk to girls at parties de John Cameron Mitchell, librement adapté de la nouvelle éponyme de Neil Gaiman, est une soupe aux mélanges improbables dont l’extravagance permanente (autant dans les faits que dans les effets) fait la force. À la fois comédie, science-fiction, série B, film musical, romance, teen-movie ou parodie : Mitchell met le paquet sept ans après Short Bus. (John Cameron Mitchell, 2006)
Un soir de débauche, trois lycéens de la communauté punk des années 70 rencontrent une colonie d’extra-terrestres en voulant se rendre à un after. L’un d’eux, le jeune Enn (celui qui ne sait pas « comment parler aux filles en soirée ») embarquera avec lui une juvénile extra-terrestre nommée Zan (Elle Fanning plus fascinante que jamais), curieuse de découvrir la vie sur Terre : les sensations, les sentiments, la vie humaine dans ce qu’elle a de plus trivial. Si sur le papier How to talk to girls at parties paraît délirant, il l’est, dans les faits, encore plus. On se retrouve face à un Under the Skin (Jonathan Glazer, 2013) naïf et grotesque où les aliens, dans un latex moulant et coloré digne de La Soupe aux choux, exécutent toutes sortes de pratiques étranges pour perpétuer leurs rites traditionnels. Certains d’entre eux poussent des cris stridents, d’autres fistent littéralement des êtres humains pour se dédoubler et tous sont destinés à se faire dévorer par leur aîné à la fin de leur courte vie (en désaccord avec cette issue fatale, Zan tentera de fuir ce destin cannibale).
La grande qualité du film – outre son originalité parfois déroutante – est de savoir varier les tons et les formes aussi rapidement qu’efficacement, dans une alchimie au charme indéniable. How to talk to girls at parties est un pot pourri d’idées qui, miraculeusement, fonctionne. Le film est drôle, émouvant, touchant, érotique, absurde, et tend clairement, comme Shortbus sept ans auparavant, à la jouissance pure et simple. Celle-ci survient d’ailleurs lors d’une scène de concert mémorable où les deux personnages principaux, Enn et Zan, après avoir improvisé les paroles d’un morceau de punk rock dantesque, fusionnent littéralement sous nos yeux et ceux des adolescents agglutinés dans la fosse.
En développant cette bizarrerie sans concession, James Cameron Mitchell montre surtout qu’il sait intelligemment faire la différence entre le sérieux et l’humour bouffon de la bonne manière : c’est grâce à la beauté et à la sincérité de la relation entre Enn et Zan que l’on finit par être pris au jeu de cette aventure burlesque. Et malgré la radicalité grotesque du film, on finit par accepter l’étrangeté de la proposition. Ainsi, les changements constants de tons au coeur même du film finissent par fournir, grâce justement à la romance qui lie ces registres entre eux, un ensemble étonnamment homogène. Le côté casse-gueule voire carrément ubuesque de certains passages (les séquences cosmiques en tête) ne dessert en rien How to talk to girls at parties qui, dans un ensemble certes bordélique et parfois chaotique, reste toujours touchant et profondément sincère.